jeudi 29 mars 2018

Thèse de Guy 35


Une approche intergénérationnelle

Un des défis pour avoir une compréhension juste des FJ est son approche intergénérationnelle. C’est une de nos valeurs centrales et une de nos caractéristiques distinctives. Mais cela rend difficile de mettre notre ministère en boîte. Les FJ ne sont pas un ministère pour les enfants, ou pour les adolescents, ou pour les jeunes, ni même pour les familles… Nous croyons que cette approche intergénérationnelle est une force et une dimension dans laquelle le Seigneur nous a appelés à être pionniers.
James White définit une expérience intergénérationnelle comme «deux groupes d’âge (ou plus) dans une communauté religieuse qui apprennent/grandissent/vivent leur foi ensemble à travers des expériences communes, un apprentissage en parallèle, des occasions de contribution et un partage interactif.»[1]
Notre société aime étiqueter les choses ou les mettre en boîte pour généraliser et définir (et par conséquent réduire) leur valeur. Mais il y a de la puissance dans l’unité.[2] Réunir les générations ensemble dans l’unité pour aimer Dieu, écouter sa voix et lui obéir radicalement, c’est là tout les FJ. C’est plus difficile, cela peut être moins attractif pour certains qui ne souhaitent être qu’avec leurs pairs sans trop d’adultes ou de petits enfants autour d’eux, mais Dieu a béni cette approche générationnelle.
Nous la comparons à une flèche: les enfants et les adolescents représentent la pointe, les adultes la hampe et la génération plus âgée les plumes. Cette image se base sur les passages de Joël 3:1 et d’Actes 2:17: «Après cela, je déverserai mon Esprit sur tout être humain; vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des rêves, et vos jeunes gens des visions.» Chaque génération manifeste l’onction de Dieu différemment et le fait de les réunir est quelque chose de puissant! Les enfants et les adolescents ont cette onction prophétique et jouent un rôle majeur, mais pas tous seuls, séparés ou déconnectés des autres générations.
Bien sûr, le fait de garder les gens en classes d’âge est plus facile. Nous pouvons être plus pointus et efficaces dans l’évangélisation et dans certains aspects du discipulat. C’est moins désordonné et beaucoup plus simple à organiser. Mais que construisons-nous sur le long terme? La journaliste Mary Pipher offre ce regard sur ces questions liées au phénomène de la séparation des âges.

Une bonne partie des maladies sociales de l’Amérique proviennent de la ségrégation des âges. Si dix ados de quatorze ans sont réunis, il vont former une culture du style Sa majesté des mouches avec sa compétition et sa méchanceté. Mais si dix personnes entre deux et quatre-vingts ans sont réunies, elles vont tomber dans une hiérarchie des âges naturelle qui les encourage et les enseigne tous. Pour notre propre santé mentale et sociale, nous devons reconnecter les générations.[3]

Mark de Vries, dans son ouvrage Family-based Youth Ministry, note cette intéressante observation quant à notre capacité d’amener les jeunes à la maturité à travers l’approche traditionnelle du groupe de jeunes. Il décrit le cheminement de Jenny, qui était très enthousiaste et impliquée avec le Seigneur en tant qu’adolescente, mais qui quelques années plus tard n’était plus active dans aucune église et s’était détournée de Dieu:

… notre programme avait réussi à la conduire à devenir une adolescente chrétienne mature, mais quelque part échoué à la placer sur les bons rails vers une vie chrétienne adulte mature. Nous avions une vision à court-terme, ne nous concentrant que sur l’objectif de la garder impliquée et en croissance, mais oubliant l’objectif à long-terme de poser une fondement qui allait durer.[4]

De Vries souligne le besoin pour des adolescents d’être connecté aux autres générations, en particulier celle des adultes.

Le pont de l’enfance à l’âge adulte est de plus en plus long. Les jeunes gens de notre époque sont coincés dans une culture centrée sur leurs pairs. Et à moins qu’ils ne puissent trouver un appui pour sortir de cette culture, ils vont rester perpétuellement coincés dans l’adolescence. […] Les adolescents n’apprendront pas les aptitudes requises pour devenir des adultes matures dans un groupe de jeunes centré sur ses pairs. Ils n’apprendront pas ces aptitudes en discutant avec leurs copains. Le processus se produit alors que le moins mature a régulièrement l’opportunité d’observer, de dialoguer et de collaborer avec le plus mature. En refusant aux adolescents des opportunités pour ce genre d’implications avec des adultes, notre culture envoie de nombreux jeunes dans la vie adulte sans préparation relationnelle, mentale et morale pour les défis de la vie adulte. […] La culture des pairs horizontale n’est pas suffisante. Lorsque la structure verticale connectant les enfants aux adultes est érodée, est-il vraiment surprenant de voir nos enfants grandir en ayant des difficultés à établir des valeurs solides qui leur sont propres? […] La propre culture des jeunes les maintient souvent piégés dans cette immaturité, en les formant pour être des victimes réactives plutôt que des chrétiens proactifs.[5]

Il conclut:

La culture jeune, comme la plupart des ministères auprès des jeunes, est fondamentalement une structure qui rend orphelin. Elle ne porte pas ses membres tout au long de la vie; elle les rend plutôt orphelins au moment-même où ils ont le plus besoin d’une culture stable. L’isolation des adolescents du monde des adultes a sérieusement freiné les processus qui peuvent les conduire dans une vie adulte mature. L’établissement de structures qui accompagnent et portent les jeunes dans la vie adulte doit devenir l’accent principal des ministères auprès des jeunes dans la prochaine génération.[6]

Cela ne veut pas dire que les FJ font toujours toutes les activités tous ensemble. Nos avons découvert qu’il n’est pas si facile de recevoir un enseignement ensemble; le fait de se mettre en classes d’âge et de recevoir un apport approprié à son âge est totalement pertinent. Mais il y a tant de choses que nous pouvons faire ensemble, en particulier quand on en vient à servir les autres. Peter Menconi écrit:

Un des meilleurs moyens pour de multiples générations au sein d’une église de développer des relations est de se tourner vers l’extérieur et de servir les autres. Lorsque les diverses générations se mettent au service des autres ensemble, l’accent n’est plus sur leurs différences, mais sur leur coopération, qui touche et interpelle les gens.[7]

Dans leur ouvrage Intergenerational Christian Formation, Allen et Ross soulignent que les voyages missionnaires intergénérationnels ont, par exemple, plusieurs avantages:

-      Réunir des gens avec différentes expériences améliore la capacité de servir les besoins locaux comme les besoins des membres de l’équipe de manière adéquate.  
-      Réunir les générations augmente le potentiel d’avoir une largeur de maturité dans la foi, à partir de laquelle tous peuvent apprendre quelque chose.
-      Les jeunes stimulent les adultes et, en contrepartie, les adultes aident les jeunes en les aidant à concentrer leur énergie.[8]

Peter Menconi ajoute:

Les voyages missionnaires à court-terme constituent l’un des moyens les plus rapides de bâtir des relations solides et durables entre les générations. Lorsqu’un groupe intergénérationnel est réuni dans un environnement neutre – et souvent inconfortable, les conversations sont plus facilement initiées. Les voyages missionnaires permettent de merveilleux moments enseignables tant pour les adultes que pour les jeunes et les enfants.[9]

Allen et Ross concluent:

Dans de tels moments, les gens ont tendance à s’accrocher à Christ et les uns aux autres. C’est non seulement bon pour les adultes de voir la foi des enfants en action, mais c’est aussi bon pour la jeune génération de voir les adultes défiés et vulnérables. En particulier après plusieurs jours dans une nouvelle culture à faire des tâches inhabituelles, les gens tendent à devenir plus authentiques. Quand cela se produit, les gens sont souvent plus ouverts à l’œuvre de l’Esprit de Dieu. D’une manière ou d’une autre, le Saint-Esprit travaille à travers les membres de l’équipe pour se soutenir et s’encourager les uns les autres. La prière et les partages sur la foi deviennent souvent plus pointus et libres que lors d’un culte typique du dimanche matin ou d’une réunion de comité. Cette ouverture peut bâtir un sens de communauté qui peut être apporté dans la communauté de foi plus large et transmettre le virus aux autres. Des relations profondes entre des gens de diverses générations peuvent servir à combler le fossé générationnel, soulager l’âgisme et permettre aux jeunes de se percevoir comme faisant partie de l’église plutôt que seulement du groupe de jeunes.[10]


[1]. James W. White, Intergenerational Religious Education: Models, Theories and Prescription for Interage life and Learning in the Faith Community (Birmingham, AL: Religious Education Press, 1988), p. 18.
[2]. Psaume 133.
[3]. Mary Pipher, «The New Generation Gap,» USA Weekend, 19-21 mars 1999, p. 12.
[4]. Mark de Vries, Family-based Youth Ministry (Downer Groves, IL: InterVarsity Press, 1994), pp. 24-25.
[5]. Ibid., pp. 48-49, 53, 54.
[6]. Ibid., p. 56.
[7]. Peter Menconi, The Intergenerational Church: From WWII to www.com (Littleton, CO: Mt. Sage Publishing, 2010), p. 207.
[8]. Holly Caterton Allen et Christine Lawton Ross, Intergenerational Christian Formation: Bringing the Whole Church Together in Ministry, Community and Worship (Downer Grove, IL: InterVarsity Press, 2012), p. 231.
[9]. Menconi, The Intergenerational Church, p. 209.
[10]. Allen and Ross, Intergenerational Christian Formation, p. 233.

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