François
Coillard: Le «Livingstone français»
François Coillard est né en 1834 dans une vieille famille huguenote à Bourges, cadet d'une famille de huit enfants. Il avait deux ans lorsque son père mourut. Il eut une
enfance très pauvre, marquée par la piété de sa mère surnommée au village «la
mère Bonté». Il eut comme pasteur Ami Bost, l’un des promoteurs du Réveil
évangélique de Genève au début du XIXème siècle. Son enfance et sa jeunesse
furent nourries par la piété du Réveil, dont il conserva l’héritage toute sa
vie.
François commença à travailler très jeune comme
aide-jardinier, puis reçut une bourse pour aller étudier à l’Institut
protestant de Glay (Doubs). Il passa par un temps de crise, pendant lequel il
fut maladivement écrasé par le sentiment de sa culpabilité, puis connut une
conversion dont il sortit transformé.
Convaincu que Dieu l’appelait à son service en Afrique,
François se présenta en 1852 – il avait 18 ans – au comité de la Mission de
Paris qui l’incita à compléter ses études. Il suivit sans grand succès les
cours de la Faculté de théologie de Strasbourg et entra en 1856 à la Maison des
Mission de Paris dont le directeur était Eugène Casalis, récemment renter du
Basutoland. En mai 1857, François fut consacré pasteur et il s’embarqua pour
l’Afrique la même année, à l’âge de 23 ans.
François Coillard arrive au Cap le 6 novembre 1857, et il
part aussitôt pour le Basutoland. En approchant du pays, il trouve toutes les
stations missionnaires pillées et incendiées, la région étant ravagée par le
conflit armé qui venait d'éclater entre le Basutoland et les Boers de l'Etat Libre d'Orange. Il
arrive finalement le 8 mai 1858 à Thaba-Bossiou, la capitale du Basutoland, qui
avait résisté aux assauts des Boers.
La conférence missionnaire décide quelque temps après d'ouvrir deux nouvelles stations missionnaires, Bethléem et Leribe, cette dernière étant confiée à François. Malgré la crainte de prendre en charge tout seul une station éloignée, Coillard accepte cette décision et arrive à Leribe en février 1859.
La conférence missionnaire décide quelque temps après d'ouvrir deux nouvelles stations missionnaires, Bethléem et Leribe, cette dernière étant confiée à François. Malgré la crainte de prendre en charge tout seul une station éloignée, Coillard accepte cette décision et arrive à Leribe en février 1859.
À son arrivée dans cette région excentrée du Lesotho,
François est bien accueilli par Malopo, un des fils du roi, bien que celui-ci,
après s'être converti au christianisme et avoir été baptisé, soit retourné vers
les coutumes païennes (il n'avait, par exemple, pas moins de quarante ou
cinquante femmes). Coillard doit faire œuvre de pionnier et, pendant plus d'un
an, il va consacrer une grande partie de son temps à des travaux de construction,
de sa chaumière d'abord puis d'une chapelle provisoire. Comme il vit seul, il
doit aussi s'occuper de toutes les affaires du ménage, de la cuisine et même de
la confection de ses vêtements. Il n'oublie cependant pas ce pour quoi il est
venu en Afrique et il annonce l'évangile lors de réunions festives ou dans la
chapelle qui réunit une centaine d'adultes aux cultes du dimanche. En contact
permanent avec les Bassoutos, il apprend aussi rapidement leur langue.
Deux ans après son arrivée il va cependant trouver la
compagne qui lui manquait en Cristina Mackintosh, une jeune Écossaise; de 5 ans
son aînée, elle va lui permettre de murir et de consolider son ministère.
En janvier 1861 il se rend au Cap pour l’accueillir. Le mariage a lieu dans cette
ville en février puis le couple retourne à Leribe où ils créèrent une école qui
ne s'interrompait que le samedi, tout en parcourant le pays à cheval pour
évangéliser le pays. Les résultats ne furent pas rapides mais en août 1862 ils
eurent la joie de baptiser les deux premiers Bassoutos de Leribe.
Malgré les efforts de conciliation menés par Coillard, la
guerre éclata entre l’Etat Libre d’Orange et les Bassouto, avec son cortège de
massacres, de villages brûlés, de troupeaux pillés, de réfugiés fuyant pour
leur vie, et ceci en plein hiver et dans la neige. En mars 1866, François et
Cristina Coillard se replièrent dans la colonie anglaise du Natal, plus à
l’est. Ils ne purent revenir à Leribe que 3 ans plus tard, en 1869. L’Eglise,
sans être très nombreuse, vivait toujours dans l’élan du Réveil, et 32
candidats s’annoncèrent d’emblée pour le baptême. Deux ans plus tard,
l’inauguration d’un nouveau temple fut l’occasion de baptiser 50 croyants de
Leribe et des villages voisins.
François et Cristina restèrent plus de 20 ans à Leribe,
qui devint leur patrie d’adoption. Il écrivit des fables dans la langue locale
qu’il maîtrisait comme sa langue maternelle, et elles restèrent des classiques
dans l’éducation et la culture du pays.
Alors qu’il formait le projet de prendre un conge en
Europe, ses collègues le sollicitèrent pour prendre la tête d’une expédition en
direction du Nord Transvaal afin d’atteindre des région jamais encore touches
par l’Evangile. En 1877, à 43 ans, François entra dans une nouvelle étape de sa
carrière missionnaire. Elle fut faite d’incessantes expéditions, jusqu’à la
fondation de la mission du Zambèze. Il partit, accompagné de son épouse, de sa
nièce et de 4 évangélistes avec leur famille. Après un an et demi de péripéties
et d’errances, la caravane parvint sur les bords du Zambèze. Cette première
expédition dura 2 ans et demi.
En 1880, les Coillard rentrèrent à Paris, où ils
restèrent 2 ans, pour plaider la cause du Zambèze. Ils visitèrent les églises
de France, de Suisse, de Belgique, des Pays-Bas, d’Ecosse ainsi que les églises
vaudoises du Piémont. Sa réputation d’explorateur le précédait, et François se
désolait qu’on veuille l’entendre parler davantage de voyages et d’aventures
que de l’évangélisation de l’Afrique. Le financement nécessaire fut finalement
trouvé, mais Coillard était tout de même déçu: le protestantisme français ne soutint
pas unanimement le projet du Zambèze, le trouvant trop ambitieux, coûteux et
irréaliste. Il ne repartira qu’avec une seule recrue.
En 1884, il pourra quitter Leribe avec une grande
caravane de 5 «wagons» de 4 mètres de long, tirés par 12 à 18 boeufs, suivis
d’un troupeau de chèvres, de vaches et de moutons et plus de 30 personnes. Ils
durent affronter la maladie, les attaques des rois locaux, la faim et même la
révolte de certains accompagnateurs. Ils mirent une année pour arriver au
Zambèze.
Pendant deux ans, François noue des contacts
diplomatiques avec le roi du pays, mais ce n’est qu’en 1886 qu’il peut enfin
parvenir dans la capitale, Séchéké. Il obtient l’autorisation de s’établir dans
un village, Séfoula, à 300km plus au nord. Les conditions de vie sont
difficiles, et même si de nouvelles recrues les rejoignent, la santé des
missionnaires est ébranlée et l’un d’eux meurt, il y a peu de conversions
profondes. Les années qui suivirent furent encore plus éprouvantes en raison du
climat insalubre. Plusieurs missionnaires tombèrent malades et certains
moururent des fièvres. C'est ainsi que disparut Christina Coillard le 28
octobre 1891 après plusieurs années de souffrance.
Malgré la perte de celle qui avait été son principal
soutien, François Coillard poursuivra seul, n'hésitant pas à parcourir la
région en pirogue ou à cheval pour annoncer l'évangile. Il poursuivit aussi sa
politique d'ouverture de stations missionnaires le long du Zambèze, dispersant
ainsi peut-être de faibles moyens qui eussent été plus efficaces s'ils étaient
restés groupés. Mais en 1896, sa santé déclinant, il fut décidé de le renvoyer
immédiatement en France. Il y séjournera 2 ans.
De retour au Cap fin 1898, il reprit la route du Barotseland accompagné des
quinze nouveaux missionnaires. Pendant l’absence de François Coillard la
mission de Leribé s’était développée et avait même ouvert deux nouvelles
stations missionnaires. L’accession au pouvoir d’un nouveau premier ministre
chrétien laissait espérer un avenir radieux.
François Coillard fut cependant plus profondément secoué
par le mouvement de contestation que déclencha parmi les chrétiens africains un
de ses proches collaborateurs du Lesotho, Willie Mokalapa. Certains
évangélistes indigènes supportaient en effet de plus en plus mal le
paternalisme ambiant des missionnaires qui les reléguaient au second plan,
malgré des compétences et une foi indéniables. Ils ne pouvaient donc qu’être
séduits par les idées véhiculées alors dans toute l’Afrique du Sud par les
églises dites «éthiopiennes», un mouvement qui prônait la constitution
d’églises indigènes indépendantes des missions étrangères.
François Coillard ne comprit pas ce mouvement et s’opposa
à l'installation des «Ethiopiens» là où il y avait déjà une mission. Il y eut
des troubles dans l’école biblique de Léalui et le roi Lewanika soutint le
mouvement. Il finit cependant par céder à Coillard qui réussit à rétablir la
situation, d’autant plus facilement d’ailleurs que le mouvement ne fut que de
courte durée.
Tous ces problèmes n’avaient fait qu’aggraver la santé d’un
homme souffrant depuis longtemps d’hématurie François Coillard mourut d’une
dernière crise à Lealui (Rhodésie du Nord) le 27 mai 1904 et fut enterré le jour même auprès de sa femme à Sefula comme
il l'espérait.
François Coillard était très connu en Europe et son décès
donna lieu à de nombreux articles, en Afrique du Sud, en Angleterre et en
France où le Figaro titra même: «La mort du Livingstone français»; la
publication d’une biographie monumentale par Edouard Favre ne fit d’ailleurs
qu’accroître cette réputation dans les milieux protestants.
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