Augustin
Puis est
arrivé Augustin d’Hippone (354-430 ap. J.-C.), et le débat s’est centré
davantage sur le concept de péché originel. Augustin avait une vision beaucoup
plus négative des enfants. Il a conclu que:
1. Même les bébés
ont des tendances au péché;
2. La transgression
d’Adam, qui implante dans sa progéniture un péché étranger, est à l’origine de
ces tendances;
3. Le baptême
remédie à ces tendances condamnables et devrait être conféré aussi tôt que
possible.[1]
Dans son
ouvrage Children and the Theologians, Jerome W. Berryman écrit sur la
vision négative des enfants d’Augustin, soulignant le fait qu’il «défendait
infatigablement dans sa vieillesse l’idée que les enfants, impuissants et de
façon permanente, arrivent dans le monde infectés par le péché originel à
l’exception de ceux que Dieu a choisi de sauver.»[2]
O. M. Bakke affirme que les pères de l’Eglise primitive
percevaient les enfants comme innocents, ou au moins comme moralement neutres,
jusqu’au cinquième siècle quand une bataille plus large contre le pélagianisme
a ouvert la porte à la doctrine du péché originel décrivant les enfants comme
pécheur et méritant le jugement.[3]
Ceci dit, les pères de l’Eglise reconnaissaient que les enfants se révélaient
capables en tant que sujets moraux portant la responsabilité de leurs actions.[4]
Pourtant, la vision d’Augustin décrivait les enfants
comme porteurs du péché originel et par conséquent récipients d’un jugement de
damnation éternelle, à moins qu’ils ne soient baptisés.[5]
Il est vrai que le baptême des enfants a influencé une bonne partie de cette
discussion bien avant Augustin, même si la motivation de beaucoup des pères de
l’Eglise n’était pas spécifiquement liée à la dépravation de l’enfant. Pourtant,
comme le fait remarquer Kevin Lawson, le quatrième siècle a marqué non
seulement une acceptation croissante du baptême des bébés, mais également un
changement de perspective de la part de l’Eglise. Lawson écrit, dans son livre Understanding Children’s
Spirituality:
Une
théologie du péché originel a supplanté la vision de l’innocence des enfants
soutenue auparavant par la plupart des responsables de l’église. Pour des
théologiens comme Augustin, la préoccupation pour le péché originel et la
mortalité infantile précoce a conduit à une insistance sur le baptême des
nouveau-nés comme moyen de les sauver de la damnation éternelle.[6]
Ce point de vue, perçu comme un acte de rédemption,
comprenait une vision très spécifique de la dépravation de l’enfant qui a
façonné les générations futures. Cette tension entre une perception des enfants
comme étant neutres, mais des agents moraux capables, contre une perception des
enfants comme essentiellement mauvais, même depuis le sein maternel, a
influencé l’enseignement de l’Eglise à partir du cinquième siècle dans le
christianisme occidental. Les théologiens orthodoxes orientaux, et les autres
traditions non-occidentales, ont évité une bonne partie de la tension en
épousant un point de vue différent. Ils reconnaissaient la mortalité humaine
comme conséquence première de la chute plutôt que l’action persuasive du péché.
Augustin a
eu tellement d’influence que son point de vue a dominé l’approche que l’Eglise
a eu des enfants pendant des siècles jusqu’à Thomas d’Aquin (1224-1274). La
vision augustinienne a par la suite largement influencé les réformateurs et les
Puritains. Mais penchons-nous un instant sur d’Aquin. Berryman explique que
Thomas a trouvé des moyens de combiner la vision des enfants
d’Aristote, comme des créatures pleines d’un potentiel non-cultivé par des
conseils bibliques à leur sujet, et la vision d’Augustin de leur nature
fondamentalement mauvaise, dérivée de la chute d’Adam. Il est arrivé à cette
combinaison par son interprétation de la grâce de Dieu.[7]
Thomas
cherchait à réconcilier la vision positive de Chrysostome (également influencé
par Aristote) avec la vision négative d’Augustin. La théologienne Christina L.
H. Traina a souligné que
Thomas
percevait la grâce comme venant compléter la nature plutôt que la corriger.
Ainsi il a eu tendance à souligner le potentiel de croissance spirituelle des
enfants à l’aide de la grâce plutôt que, comme Augustin, leur incapacité à
réellement se développer et à manifester la vertu en l’absence de la grâce.[8]
[1]. Martha Ellen Stortz,
«Where or When Was Your Servant Innocent? Augustine on Childhood,» dans The
Child in Christian Thought, éd. Marcia J. Bunge (Grand Rapids, MI: William
B. Eerdmans, 2001), p. 79.
[2]. Jerome W. Berryman, Children
and the Theologians (Harrisburg, PA: Moorehouse Publishing, 2009), p. 59.
[4]. Ibid., pp. 106-107.
[6]. Kevin E. Lawson, Understanding
Children’s Spirituality: Theology, Research and Practice (Eugene, OR: Wipf
& Stock, 2012), pp. 133-135.
[8]. Cristina L. H. Traina,
«A Person in the Making: Thomas Aquinas on Children and Childhood,» dans The
Child in Christian Thought, éd. Marcia J. Bunge (Minneapolis, MN: William
B. Eerdmans, 2001), p. 106.
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