Bernard
de Clairvaux : Le dernier des pères de l’Eglise
Bernard de Fontaine est né en 1090 et mort en 1153, à l’âge de 63 ans.
Né dans une grande famille de Bourgogne, Bernard est le 3ème de 7
enfants. A l’âge de 9 ans, on l’envoie à l’école de Châtillon-sur-Seine, où il
montre un goût particulier pour la littérature. Il est doué d'une grande intelligence
et d'une forte volonté, mais il est extrêmement timide, méditatif, rêveur. En 1112, il entre à l'abbaye de
Cîteaux, près de Dijon, fondée en 1098, et dont Étienne Harding vient juste
d'être élu abbé. Déjà là, sa force de persuasion est telle que c’est accompagné
d’une trentaine de jeunes qu’il entre à Cîteaux,
qu’il choisit en raison de la rigueur avec laquelle y est observée la règle de
Saint-Benoît, contrastant avec le relâchement qui s’était introduit dans toutes
les autres branches de l’Ordre bénédictin.
Novice à 21 ans, il se
montre un écolier docile. La rude ascèse de la nouvelle observance lui plait d’emblée:
nourriture frugale (fèves, raves et soupes de feuilles de hêtre), mobilier
rustique et branlant, paillasses et couvertures juste nécessaires. Dans cette
école de Charité, il apprend à aimer ses frères, et à aimer Dieu. Il s’investit
dans une vie ascétique. Il prie sans cesse, lit les Ecritures, les Pères de
l’Eglise, s’imprégnant des textes. Il met en pratique sur lui-même ce qu’il
enseignera aux autres plus tard.
En 1115, Étienne Harding envoie le jeune homme à la tête
d'un groupe de 12 moines pour fonder une nouvelle maison cistercienne dans la
vallée de Langres. La fondation est appelée «claire vallée», qui devient
ensuite «Clairvaux». Bernard est élu abbé de cette nouvelle abbaye, qui se construit avec les
mêmes difficultés matérielles que Citeaux: défrichage de la forêt, mise en
culture, cabanes sommaires tenant lieu de bâtiments, nourriture frugale. Les
villageois environnants aident au début, mais se retirent rapidement. Tout fait
défaut, mais la confiance en Dieu de Bernard est là.
Etre abbé nécessite, pour lui, la pureté de cœur, l’intention
toujours droite, une charité forte, une volonté de donner l’exemple. D’une
extrême sensibilité mais aussi d’une très grande exigence, il parle avec
véhémence, avec une telle foi, un tel désir d’arracher à l’inertie que les
moines qui le comprennent, le suivent avec ardeur et l’aiment. L'abbé,
selon la règle de saint Benoît, est maître spirituel et responsable de
l'enseignement doctrinal de sa communauté. Bernard va pouvoir communiquer
l'objet de ses méditations. Il ne sera jamais un théoricien, un homme d'école.
Ses écrits sont des écrits de circonstance, s'adressant toujours à des hommes
qu'il faut aider à se convertir. Les débuts de Clairvaux sont difficiles: la
discipline imposée par Bernard est très sévère. Epuisé et malade, doit se
reposer durant un an; vivant à l'écart, dans une cabane, il peut se livrer à
loisir à l'étude et à des entretiens avec des amis. Bernard poursuit ses études
sur l'Écriture Sainte et sur les Pères de l'Église.
Bernard jouit d'une personnalité attirante, fascinante même. Il attire à
Clairvaux une multitude de moines, qu'il recrute dans toutes les classes de la
société: clercs, chevaliers, étudiants et manants. Son biographe parle de
plusieurs grands «coups de filet» opérés au cours de ses voyages. Le premier a
lieu à Châlons-sur-Marne, en 1116, d'où il ramène à Clairvaux une trentaine de
jeunes gens, nobles et lettrés. À Reims, l'abbé obtient le même succès. D'un
voyage en Flandre, en 1131, Bernard ramène encore une trentaine de jeunes gens,
dont, parmi eux, Robert de Bruges, qui lui succédera comme abbé de Clairvaux.
En 1140, l'évêque de Paris l'invite à parler aux étudiants. Son sermon, qui
nous est parvenu, fait plus de vingt-cinq recrues. Les mères, disait-on,
cachaient leurs fils lors de son passage et, «il devint, dit son biographe, la terreur des mères et des épouses; les
amis redoutaient de le voir aborder leurs amis». Les gens affluent dans
la nouvelle abbaye, et Bernard convertit même toute sa famille: son père,
Tescelin, et ses cinq frères entrent à Clairvaux en tant que moines. Sa sœur,
Humbeline, prend également l'habit au prieuré de Jully-les-Nonnains. Dès 1118,
de nouvelles maisons doivent être fondées pour éviter l'engorgement de
Clairvaux.
C'est à cette époque que Bernard rédige
ses premières œuvres. Bernard est sans pitié pour la
corruption morale ou vénale des clercs. Personne n'a été plus loin que lui dans
la satire ou l'invective. Le ministère de l'Église est établi pour servir et
non pour dominer. En
devenant moine, Bernard souhaitait mener une vie recluse. De rencontre en
rencontre, il se trouve en relation avec les hommes les plus en vue de l’époque
et devient un personnage influent. Sa vie monastique va être longuement et
fréquemment interrompue. On vient de plus en plus le consulter pour les
affaires de l’Eglise. Mystique et contemplatif, Bernard est tout au long de sa
vie arraché à la solitude de Clairvaux pour arbitrer des affaires royales,
épiscopales, papales et internationales, à caractère religieux ou non... Devenu une personnalité importante et
écoutée dans la chrétienté, il intervient dans les affaires publiques, il
défend les droits de l'Église contre les princes temporels, et conseille les
papes.
Au
cours de tous ses voyages, des témoins oculaires rapportèrent de nombreuses guérisons
miraculeuses, qui étaient pour la foule comme des signes tangibles de sa
mission. Mais lui-même en parlait peu, attribuant sans doute à ces miracles une
importance secondaire, les considérant seulement comme un signe de la
miséricorde divine, palliant la faiblesse de la foi chez la plupart des hommes,
conformément à la parole du Christ: «Heureux ceux qui croiront sans avoir vu.»
Bernard fonde jusqu'à 72 monastères,
répandus dans toutes les parties de l'Europe: 35 en France, 14 en Espagne, 10
en Angleterre et en Irlande, 6 en Flandre, 4 en Italie, 4 au Danemark, 2 en
Suède, 1 en Hongrie. En 1151, deux ans avant sa mort, il y a 500 abbayes
cisterciennes. Clairvaux compte 700 moines.
Une
fondation signifiait chaque fois le départ de douze moines avec, à leur tête,
un abbé. L'abbé père avait à visiter ses abbayes filles. Quoi d'étonnant si
Bernard fut un mois sur trois absent de son abbaye! Son influence spirituelle,
celle de ses écrits, s'étendaient à tous ces moines. Il y en avait jusqu'à cinq
cents dans certains monastères. Plusieurs accédèrent à des charges importantes
dans l'Église: un pape, cinq cardinaux, onze évêques. Une dizaine ont laissé un
nom dans l'histoire littéraire.
Moine à Cîteaux à l’âge de 22 ans, père abbé à 25,
Bernard de Clairvaux fonde cinq abbayes avant d’avoir atteint sa trentième
année. Réformateur des cisterciens, conseiller des rois et des papes, le saint,
né en 1090 dans la décennie qui voit la première croisade, est également connu
pour ses prédications lors de la deuxième croisade. Le rayonnement de ce
docteur de l’Eglise est tel qu’on rédige sa biographie de son vivant. Certains
le surnomment «le dernier des Pères de l’Eglise».
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