mardi 30 décembre 2014

Héros de la foi en Francophonie - 8 - Frère Laurent de la Résurrection


Frère Laurent de la résurrection: le cuisinier mystique
Laurent de la Résurrection, de son nom de naissance Nicolas Herman, est connu par un petit recueil de lettres et d'entretiens dans lesquels il raconte ses expériences spirituelles, tout entières centrées sur la pratique de la présence de Dieu.
Nicolas Herman est né vers 1614 près de Lunéville, en France, dans une famille profondément chrétienne.
A 18 ans, Dieu lui avait fait une grâce singulière. Un jour d’hiver, voyant un arbre dépouillé de ses feuilles et songeant que celles-ci allaient réapparaître, ainsi que des fleurs et des fruits, il comprit que ce n’était pas le fait de l’arbre seul; la création lui révélait le Créateur et à partir de ce jour, Dieu fut pour lui une Réalité vivante.
Cette même année, la Lorraine était occupée par la France, et le duc Charles IV, expulsé de son pays, fit enrôler des troupes pour reconquérir ses Etats. Nicolas s’engagea dans l’armée du duc de Lorraine. Dans cette guerre de Trente Ans, tristement célèbre pour ses cruautés inhumaines, les armées ne reculaient pas devant les pillages et tous les genres de violence. Deux fois il se trouva face à la mort; finalement une blessure l’obligea à quitter le métier des armes à 21 ans.
Le temps de la guérison pour son corps le fut aussi pour son âme; et l’expérience vécue à 18 ans revint à la surface. Il résolut alors de se donner à Dieu et de changer sa conduite passée. Il s’adonna quelques temps à la vie d’ermite en compagnie d’un gentilhomme. Mais, déconcerté de se voir passer de la joie à la tristesse, de la paix au trouble, de la ferveur à l’absence de dévotion, il ne persista pas. Il vint alors sur Paris où il s’engagea comme laquais chez Mr de Fieubet, où il dit avoir été «un gros lourdaud qui cassait tout».
C’est là que le Couvent des Carmes de la rue Vaugirard (l’actuel Institut Catholique) commença à l’attirer; de plus, l’un de ses oncles était aussi carme. Nicolas se décida à 26 ans à demander son entrée à son tour en qualité de frère laïque (non prêtre), et il prit alors le nom de Frère Laurent de la Résurrection.
Il fut d’abord cuisinier pendant 15 ans, puis cordonnier de son couvent; les dix premières années de sa vie religieuse sont un temps de dures épreuves pour Laurent. Il se rappelle les péchés de sa jeunesse. Il se demande même s’il n’est pas damné. Mais à l’apogée de sa souffrance, il pose un acte qui le lance définitivement sur la voie de l’amour. Il décide de se donner, de s’abandonner inconditionnellement à Dieu. Le résultat ne se fait pas attendre: «Je me trouvai tout d’un coup changé. Et mon âme, qui jusqu’alors était toujours en trouble, se sentit dans une profonde paix intérieure, comme si elle était en son centre et en un lieu de repos.»
A travers cette expérience très profonde, notre frère cuisinier découvre le secret de la contemplation. Il ne s’agit pas de quitter son travail, son devoir d’état, pour rejoindre Dieu. Non, explique-t-il, «notre sanctification dépend, non du changement de nos œuvres, mais de faire pour Dieu ce que nous faisons ordinairement pour nous-mêmes.» Et il continue: «Je retourne ma petite omelette pour l’amour de Dieu…». Il va petit à petit trouver son propre chemin spirituel: vivre travail comme temps de prières, peines comme joies dans la «présence de Dieu»; transformer toutes ses occupations en «une manière de petits entretiens avec Dieu, sans étude, comme ils viennent… Il n’y faut point de finesse, il n’y a qu’à y aller bonnement et simplement». La seule «méthode» de vie spirituelle de Frère Laurent fut en quelque sorte l’exercice de la présence de Dieu qui consiste à «se plaire et s’accoutumer en sa divine compagnie, s’entretenant amoureusement avec lui en tout temps».
Nous sommes là au cœur de la découverte de Laurent. «Je m’appliquais soigneusement le reste du jour, et même pendant mon travail, à la présence de Dieu, que le considérais toujours auprès de moi, souvent même dans le fond de mon cœur.» Au début cela n’allait pas de soi, confesse Laurent. Quelquefois il oubliait même Dieu pendant longtemps. Laurent n’a pas appris sans peine à vivre dans la Présence de Dieu, mais avec «beaucoup de lâchetés et d’imperfections». A ceux qui veulent suivre son chemin, il conseille de ne pas s’étonner si au début on a l’impression de temps perdu et même de la répugnance. Mais à force de vouloir vivre sous le regard de Dieu, à travers un véritable exercice, une attention répétée et entretenue du cœur, la conscience de la présence de Dieu est devenue chez lui comme naturelle.
Laurent nous apprend que des actes séparés, épisodiques peuvent par leur multiplication devenir une «habitude». Ce mot entraîne une image: celle de l’habitude qui nous sied comme un habit, où nous habitons comme dans une habitation… Quelle joie quand on habite vraiment en Dieu et Dieu en nous! Laurent le confirme à maintes reprisses: «L’habitude ne se forme qu’avec peine; mais lorsqu’elle sera formée, tout se fera avec plaisir…» Ou encore: «Cette présence de Dieu, un peu pénible dans les commencements, pratiquée avec fidélité, opère secrètement des effets merveilleux en notre âme». Alors les choses sont comme inversées. Si notre esprit s’éloigne de la divine présence, c’est elle qui se présente immédiatement à lui: «Si quelquefois je suis un peu trop absent de cette divine présence, Dieu se fait sentir aussitôt dans mon âme…par des mouvements intérieurs si charmants et si délicieux que je suis confus d’en parler».
Son rayonnement attira de nombreuses personnes à lui demander conseils: c’est ainsi que lettres ou transcriptions de conseils donnés oralement nous sont parvenus. Le chemin qu’a découvert frère Laurent de la Résurrection est un chemin accessible à tous. Dans sa correspondance, on trouve de nombreux conseils pour nous mettre à sa suite.
Au début de 1691, Frère Laurent tomba malade. Comme son mal augmentait à vue d’œil, on lui apporta le sacrement des malades. A un religieux qui lui demandait ce qu’il faisait et à quoi son esprit était occupé, il répondit: «Je fais ce que je ferai dans toute l’éternité: je bénis Dieu, je loue Dieu, je l’adore et je l’aime de tout mon cœur; c’est là tout notre métier, mes frères, d’adorer Dieu et de l’aimer, sans se soucier du reste». Puis, avec «la paix et la tranquillité de quelqu’un qui dort», Frère Laurent mourut le 12 février 1691, à 77 ans.

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