lundi 22 décembre 2014

Héros de la foi en Francophonie - 7 - Guillaume Farel


Guillaume Farel: Le premier et le plus grand missionnaire de la réforme française
 Guillaume Farel est né près de Gap en 1489. Issu d’une famille de notables, il monte à Paris, fait des études à La Sorbonne où il rencontre Lefèvre d'Étaples. Il est présent lorsque Lefèvre redécouvre la parole de Dieu et la notion de salut par la foi, et il en est lui-même fortement impacté. En 1517, il reçoit le grade de maître ès arts et enseigne la grammaire et la philosophie au Collège Cardinal Le Moine. Y fait-il aussi des études de théologie? C'est possible, mais il devra quitter la France avant d'avoir pu les achever...

La lumière allumée par Lefèvre se répandait dans Paris. Le clergé, l'université s'émurent. Lefèvre fut accusé d'hérésie. Fatigué des tracasseries de ses collègues de la Sorbonne, il quitta Paris et accepta l'asile que lui offrait un ami puissant, Briçonnet, évêque de Meaux, qui ne visait à rien moins qu'à réformer son diocèse, sans rompre toutefois avec l'Eglise, et qui voulait pour cela profiter des lumières de Lefèvre. Bientôt Lefèvre fut suivi de Farel et de quelques autres de ses disciples qui ne pouvaient plus lutter à Paris contre les persécutions dont l'Evangile commençait à être l'objet. C'était en 1521. Farel avait une trentaine d'années. Sous l'influence de ces hommes réunis autour de Briçonnet, et dont la devis était: «La Parole de Dieu suffit», un mouvement puissant se déclara dans le diocèse de Meaux. L'Evangile retentissait dans les chaires et dans les assemblées particulières; il était reçu avidement par le peuple. Cet évêché semblait destiné à devenir le foyer d'un incendie qui allait se propager dans la France entière.

Le clergé et l'université de Paris le comprirent. Deux ans n'étaient pas écoulés, que Briçonnet, accusé par les moines et les curés de son propre diocèse, dont il avait travaillé à réprimer les vices, fut cité à comparaître comme hérétique, et ne se sauva qu'en sacrifiant ses amis. Lefèvre fut le seul qui put rester à Meaux. Quant aux autres, dont Farel, Briçonnet leur retira lui-même la permission de prêcher, et ils furent obligés de chercher du travail ailleurs. C'était en 1523. Cette première faiblesse entraîna bientôt Briçonnet à une seconde, plus grave encore. Le mouvement réformateur continuait à Meaux sans lui, malgré lui. Briçonnet fut accusé à Paris, plus violemment encore que la première fois. Ne trouvant plus à la cour l'appui dont il avait joui précédemment, il vit les flammes du bûcher prêtes à s'allumer pour lui. Son cœur faiblit. Il renia de nouveau sa foi. Lefèvre, le dernier de ses amis qui fût encore avec lui, fut aussi obligé de s'enfuir; il se réfugia à Strasbourg, où nous le retrouverons. C'était à la fin de 1525.

Quand à Farel, chassé de Meaux, il retourna d'abord à Paris et s'y éleva énergiquement contre les erreurs de Rome. Bientôt, se voyant traqué de toutes parts, il s'enfuit et s'en alla porter l'Evangile à sa famille, en Dauphiné. Là, ses trois frères sont les premiers trophées de son zèle. La ville de Gap et ses environs retentissent de l'Evangile. Farel est cité devant les tribunaux, maltraité, chassé de la ville. Le voilà parcourant les campagnes et les hameaux sur les bords de l'Isère et de la Durance, prêchant dans les maisons dispersées, dans les pâturages, n'ayant d'abri que celui qu'il trouve dans les bois et sur le bord des torrents. Mais «Dieu est mon père» dit-il. Le bruit des bûchers qui déjà s'allument à Meaux et à Paris pour les partisans de l'Evangile ne l'effraie pas; il convertit plusieurs hommes distingués qui plus tard rendirent de grands services à la Réforme. Puis, devenu l'objet de la haine et des investigations du pouvoir, et soupirant après une activité plus libre d'entraves, il prend le parti de quitter une patrie qui n'a plus que des échafauds à offrir aux prédicateurs de l'Evangile.

Suivant des routes détournées et se cachant dans les bois, il échappe, quoique avec peine, à la poursuite de ses ennemis, et arrive, au commencement de 1524, dans cette Suisse où il devait dépenser sa vie au service de Christ.

Il se réfugiera d'abord à Bâle, mais il en sera chassé par Erasme qui le trouve trop remuant. Il se rend à Montbéliard, où il obtient l'autorisation de prêcher. En 1525, il rédige l'un de ses rares ouvrages, la Sommaire et brève déclaration. La mission de Farel dans le Montbéliard prospérait donc, pour la France du moins. Mais les moines s'irritaient; le peuple hésitait, quand, par un excès de zèle, Farel lui-même compromit tout. Vers la fin de février, jour de la fête de Saint-Antoine, Farel marchait le long de la petite rivière qui traverse la ville, au pied du rocher élevé sur lequel est bâtie la citadelle, quand sur le pont il rencontre une procession qui chantait; deux prêtres en tête portaient l'image du saint. Son cœur bouillonne. Il ne se possède plus. Le cœur élevé du lion l'emporte en ce moment sur la modestie de la colombe. Il saisit des mains des prêtres la châsse qui renfermait le saint et la jette du pont dans la rivière, en criant au peuple: «Pauvres idolâtres, ne laisserez-vous jamais votre idolâtrie?» Il allait périr victime de la hardiesse et suivre dans le torrent le saint qu'il avait osé y précipiter, quand le bruit se répand dans la foule qu'un gouffre vient de s'ouvrir dans la rivière et d'engloutir l'image sacrée. Une terreur panique dispersa la procession, et Farel put mettre ses jours en sûreté.

Peu après, en août 1525, Farel dut quitter le Montbéliard, où, malgré la protection du duc, il ne pouvait plus prêcher qu'en secret, tant était grande l'animosité des populations attachées au catholicisme. Mais la semence qu'il y avait répandue ne quitta point avec lui ce pays.

Il trouve asile à Strasbourg auprès de Capiton et Bucer. Mais il n’y reste pas longtemps. La ville est calme, les réformateurs y sont appréciés et respectés. Mais ce travail sans difficulté, sans danger, n'était pas ce qui convenait à un ouvrier de la trempe de Farel. Son œil d'aigle cherchait quelque proie plus difficile à ravir.

La France lui était fermée. L'Allemagne n'avait pas besoin de lui. La Réformation dirigée par Luther, Mélanchton et tant d'autres, y faisait glorieusement son chemin. D'ailleurs la connaissance de la langue lui manquait. La Suisse devait se présenter d'elle-même à sa pensée. Zurich venait d'abolir la messe. Berne était sur le point de suivre cet exemple. Bâle se débattait encore entre ses bourgeois qui demandaient à grands cris la Réforme, et le clergé, appuyé par l'université, qui résistait à tout. Mais la différence de la langue était pour Farel un obstacle à une mission dans ces contrées. Lucerne et les petits cantons s'étaient déjà déclarés ennemis irréconciliables de la Réforme. Une tentative sur ce point était donc plus impossible encore. Restait la Suisse française ou romande, comprenant les pays de Neuchâtel, Vaud et Genève, et de plus, le Jura bernois, une partie de Fribourg et le Bas Valais. Dans cette partie de la Suisse on parle la même langue qu'en France. Cette contrée, en effet, ne fut pas envahie autrefois, comme la Suisse orientale, par le peuple grossier et cruel des Allemands; elle tomba sous le joug des tribus plus douces et civilisées des Bourguignons qui, loin d'imposer leur langue germaine aux peuples conquis, adoptèrent plutôt celle des vaincus. Au temps de la Réformation, la Suisse française était l'une des plus solides forteresses du papisme en Europe.

Ce fut, à ce qu'il paraît, à cette époque qu'il fit sa première apparition à Neuchâtel. Habillé en prêtre, il essaya d'y prêcher. Mais reconnu au moment où il allait monter en chaire, il fut expulsé de la ville. A Berne en 1525, il entreprend de gagner les baillages francophones du canton à la Réforme. En 1526, il est envoyé comme Réformateur et pasteur dans le district d'Aigle. Fin 1529, il fait une première incursion dans le comté de Neuchâtel, mais doit le quitter au bout de quelques jours. Il y revient en été 1530, ses méthodes activistes ont du succès et il obtient à la hussarde et de justesse un vote des bourgeois en faveur de la Réforme, le 4 novembre. Dorénavant, le comté sera réformé...

En 1530, également il prêche à Orbe où il rencontre un jeune homme, Pierre Viret, il repère sa foi dans les nouvelles doctrines et prendra soin de lui. Pierre Viret, à son exemple, deviendra un des grands réformateurs de cette époque. Pierre Viret, Guillaume Farel, Théodore de Bèze et Jean Calvin sont les principaux acteurs de la réforme, tant en Suisse qu’en France. Pierre Viret est le seul réformateur d’origine romande.

Il s’établit à Genève en 1532. Le clergé ameute le peuple contre eux et ils sont contraints de fuir. Les partisans de la Réforme se sentent brimés, mais Farel ne s’avoue pas vaincu. Il prêche le 4 janvier 1534, avec Pierre Viret, dans la maison d’un notable. Malgré les émeutes, une tentative d’empoisonnement, des menaces extérieures, les deux hommes sont, au milieu des Genevois, comme des Evangiles vivants. La pure Parole de Dieu continue à se frayer un chemin. La Dispute de Rive, en juin 1535, en assure si bien le triomphe que le 10 août, la messe est suspendue et le Conseil général déclare «vouloir vivre en cette sainte loi évangélique et Parole de Dieu». Lorsque Calvin arrive à Genève, la République et son Eglise peuvent tranquillement songer à s’organiser. Farel restera deux ans encore à Genève, puis il s’effacera devant celui qu’il considère comme son maître et s’installera à Neuchâtel.

Farel voit en Neuchâtel un centre de rayonnement de la Réforme. Il y veut une bonne école, un collège, voire une académie. Mais pensionnaires et écolages ne l’empêchent pas de végéter. De plus, la régence de Claude de Guise, adversaire acharné de la Réforme, menace même les acquis. La tentation de quitter la ville est grande, d’autant qu’on l’appelle à Genève, mais il ne veut pas partir avant d’avoir trouvé un remplaçant qualifié. Il n’en trouve point et il reste. Sa tâche est lourde. Prêcher, enseigner, visiter les malades à l’hôpital et à domicile, les lépreux à la Maladière, les vieillards, les prisonniers. Elle n’est pas sans risque: à Valangin, il est battu et traîné jusqu’à la chapelle où on le fait s’agenouiller en lui ordonnant: «Juif, adore ton Dieu», en lui frappant la tête contre la pierre.

En 1542, il est invité par le maître-échevin de Metz Robert de Heu qui assiste son frère Gaspard, son successeur au poste de maître-êchevin. La famille, majoritairement protestante, invite Guillaume Farel a prêcher les idées de la Réforme dans la ville libre de Metz et réside au château de Montoy qui deviendra un haut-lieu du protestantisme en Lorraine.

A 69 ans, le 20 décembre 1558, il épouse la très jeune fille de la veuve d’Alexandre Thorel, de Caen, mariage qui provoque quelques remous vite oubliés. Il sera encore à Gap, où une Eglise nombreuse se constitue, à Grenoble, à Die. Il assiste aux derniers instants de Calvin et s’éteint le 13 septembre 1565. Alors qu’il avait miraculeusement guéri d’une grave maladie qui l’avait frappé douze ans auparavant, Calvin lui avait souhaité encore dix ans de labeur. Onze lui furent donnés. Dieu écoute ceux qui font sa volonté.

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