Guillaume
Farel: Le premier et le plus grand missionnaire de la réforme française
Guillaume
Farel est né près de Gap en 1489. Issu d’une famille de
notables, il monte à Paris, fait des études à La
Sorbonne où il rencontre Lefèvre d'Étaples. Il est présent lorsque Lefèvre
redécouvre la parole de Dieu et la notion de salut par la foi, et il en est
lui-même fortement impacté. En 1517, il reçoit le grade de maître ès arts et
enseigne la grammaire et la philosophie au Collège Cardinal Le Moine. Y fait-il
aussi des études de théologie? C'est possible, mais il devra quitter la France
avant d'avoir pu les achever...
La lumière allumée par Lefèvre se
répandait dans Paris. Le clergé, l'université s'émurent. Lefèvre fut accusé
d'hérésie. Fatigué des tracasseries de ses collègues de la Sorbonne, il quitta
Paris et accepta l'asile que lui offrait un ami puissant, Briçonnet, évêque de
Meaux, qui ne visait à rien moins qu'à réformer son diocèse, sans rompre
toutefois avec l'Eglise, et qui voulait pour cela profiter des lumières de
Lefèvre. Bientôt Lefèvre fut suivi de Farel et de quelques autres de ses
disciples qui ne pouvaient plus lutter à Paris contre les persécutions dont
l'Evangile commençait à être l'objet. C'était en 1521. Farel avait une
trentaine d'années. Sous l'influence de ces hommes réunis autour de Briçonnet,
et dont la devis était: «La Parole de Dieu suffit», un mouvement puissant se
déclara dans le diocèse de Meaux. L'Evangile retentissait dans les chaires et
dans les assemblées particulières; il était reçu avidement par le peuple. Cet
évêché semblait destiné à devenir le foyer d'un incendie qui allait se propager
dans la France entière.
Le clergé et l'université de
Paris le comprirent. Deux ans n'étaient pas écoulés, que Briçonnet, accusé par les moines et les curés de
son propre diocèse, dont il avait travaillé à réprimer les vices,
fut cité à comparaître comme hérétique, et ne se sauva qu'en sacrifiant ses
amis. Lefèvre fut le seul qui put rester à Meaux. Quant aux autres, dont Farel,
Briçonnet leur retira lui-même la permission de prêcher, et ils furent obligés
de chercher du travail ailleurs. C'était en 1523. Cette première faiblesse
entraîna bientôt Briçonnet à une seconde, plus grave encore. Le mouvement
réformateur continuait à Meaux sans lui, malgré lui. Briçonnet fut accusé à
Paris, plus violemment encore que la première fois. Ne trouvant plus à la cour
l'appui dont il avait joui précédemment, il vit les flammes du bûcher prêtes à
s'allumer pour lui. Son cœur faiblit. Il renia de nouveau sa foi. Lefèvre, le
dernier de ses amis qui fût encore avec lui, fut aussi obligé de s'enfuir; il
se réfugia à Strasbourg, où nous le retrouverons. C'était à la fin de 1525.
Quand à Farel, chassé de Meaux, il retourna d'abord à Paris et s'y éleva énergiquement contre
les erreurs de Rome. Bientôt, se voyant traqué de toutes parts, il s'enfuit et
s'en alla porter l'Evangile à sa famille, en Dauphiné. Là, ses trois frères
sont les premiers trophées de son zèle. La ville de Gap et ses environs
retentissent de l'Evangile. Farel est cité devant les tribunaux, maltraité,
chassé de la ville. Le voilà parcourant les campagnes et les hameaux sur les
bords de l'Isère et de la Durance, prêchant dans les maisons dispersées, dans
les pâturages, n'ayant d'abri que celui qu'il trouve dans les bois et sur le
bord des torrents. Mais «Dieu est mon père» dit-il. Le bruit des bûchers qui
déjà s'allument à Meaux et à Paris pour les partisans de l'Evangile ne
l'effraie pas; il convertit plusieurs hommes distingués qui plus tard rendirent
de grands services à la Réforme. Puis, devenu l'objet de la haine et des
investigations du pouvoir, et soupirant après une activité plus libre
d'entraves, il prend le parti de quitter une patrie qui n'a plus que des
échafauds à offrir aux prédicateurs de l'Evangile.
Suivant des routes détournées et se cachant dans
les bois, il échappe, quoique avec peine, à la poursuite de ses ennemis, et
arrive, au commencement de 1524, dans cette Suisse où il devait dépenser sa vie
au service de Christ.
Il se réfugiera d'abord
à Bâle, mais il en sera chassé par Erasme qui le trouve trop remuant. Il se
rend à Montbéliard, où il obtient l'autorisation de prêcher. En 1525, il rédige
l'un de ses rares ouvrages, la Sommaire et brève déclaration. La mission de Farel dans le Montbéliard prospérait donc, pour la France du
moins. Mais les moines s'irritaient; le peuple hésitait, quand, par un excès de
zèle, Farel lui-même compromit tout. Vers la fin de février, jour de la fête de
Saint-Antoine, Farel marchait le long de la petite rivière qui traverse la
ville, au pied du rocher élevé sur lequel est bâtie la citadelle, quand sur le
pont il rencontre une procession qui chantait; deux prêtres en tête portaient
l'image du saint. Son cœur bouillonne. Il ne se possède plus. Le cœur élevé du
lion l'emporte en ce moment sur la modestie de la colombe. Il saisit des mains
des prêtres la châsse qui renfermait le saint et la jette du pont dans la
rivière, en criant au peuple: «Pauvres idolâtres, ne laisserez-vous jamais
votre idolâtrie?» Il allait périr victime de la hardiesse et
suivre dans le torrent le saint qu'il avait osé y précipiter, quand le bruit se
répand dans la foule qu'un gouffre vient de s'ouvrir dans la rivière et
d'engloutir l'image sacrée. Une terreur panique dispersa la procession, et
Farel put mettre ses jours en sûreté.
Peu après, en août 1525, Farel dut quitter le
Montbéliard, où, malgré la protection du duc, il ne pouvait plus prêcher qu'en
secret, tant était grande l'animosité des populations attachées au
catholicisme. Mais la semence qu'il y avait répandue ne quitta point avec lui
ce pays.
Il trouve asile à
Strasbourg auprès de Capiton et Bucer. Mais il n’y reste pas longtemps. La ville est calme, les réformateurs y sont appréciés et respectés. Mais ce
travail sans difficulté, sans danger, n'était pas ce qui convenait à un ouvrier
de la trempe de Farel. Son œil d'aigle cherchait quelque proie plus difficile à
ravir.
La France lui était fermée. L'Allemagne n'avait pas
besoin de lui. La Réformation dirigée par Luther, Mélanchton et tant d'autres,
y faisait glorieusement son chemin. D'ailleurs la connaissance de la langue lui
manquait. La Suisse devait se présenter d'elle-même à sa pensée. Zurich venait
d'abolir la messe. Berne était sur le point de suivre cet exemple. Bâle se
débattait encore entre ses bourgeois qui demandaient à grands cris la Réforme,
et le clergé, appuyé par l'université, qui résistait à tout. Mais la différence
de la langue était pour Farel un obstacle à une mission dans ces contrées.
Lucerne et les petits cantons s'étaient déjà déclarés ennemis irréconciliables
de la Réforme. Une tentative sur ce point était donc plus impossible encore.
Restait la Suisse française ou romande, comprenant les pays de Neuchâtel, Vaud
et Genève, et de plus, le Jura bernois, une partie de Fribourg et le Bas
Valais. Dans cette partie de la Suisse on parle la même langue qu'en France.
Cette contrée, en effet, ne fut pas envahie autrefois, comme la Suisse
orientale, par le peuple grossier et cruel des Allemands; elle tomba sous le
joug des tribus plus douces et civilisées des Bourguignons qui, loin d'imposer
leur langue germaine aux peuples conquis, adoptèrent plutôt celle des vaincus.
Au temps de la Réformation, la Suisse française était l'une des plus solides forteresses du papisme
en Europe.
Ce fut, à ce qu'il paraît, à cette
époque qu'il fit sa première apparition à Neuchâtel. Habillé en prêtre, il
essaya d'y prêcher. Mais reconnu au moment où il allait monter en chaire, il
fut expulsé de la ville. A Berne en 1525, il
entreprend de gagner les baillages francophones du canton à la Réforme. En
1526, il est envoyé comme Réformateur et pasteur dans le district d'Aigle. Fin
1529, il fait une première incursion dans le comté de Neuchâtel, mais doit le
quitter au bout de quelques jours. Il y revient en été 1530, ses méthodes
activistes ont du succès et il obtient à la hussarde et de justesse un vote des
bourgeois en faveur de la Réforme, le 4 novembre. Dorénavant, le comté sera
réformé...
En 1530, également il prêche à Orbe
où il rencontre un jeune homme, Pierre Viret,
il repère sa foi dans les nouvelles doctrines et prendra soin de lui. Pierre
Viret, à son exemple, deviendra un des grands réformateurs de cette époque.
Pierre Viret, Guillaume Farel, Théodore de Bèze et Jean Calvin sont les
principaux acteurs de la réforme, tant en Suisse qu’en France. Pierre Viret est
le seul réformateur d’origine romande.
Il s’établit à Genève en 1532. Le clergé ameute le
peuple contre eux et ils sont contraints de fuir. Les partisans de la Réforme
se sentent brimés, mais Farel ne s’avoue pas vaincu. Il prêche le 4 janvier
1534, avec Pierre Viret, dans la maison d’un notable. Malgré les émeutes, une
tentative d’empoisonnement, des menaces extérieures, les deux hommes sont, au
milieu des Genevois, comme des Evangiles vivants. La pure Parole de Dieu
continue à se frayer un chemin. La Dispute de Rive, en juin 1535, en assure si
bien le triomphe que le 10 août, la messe est suspendue et le Conseil général
déclare «vouloir vivre en cette sainte loi
évangélique et Parole de Dieu».
Lorsque Calvin arrive à Genève, la République et son Eglise peuvent
tranquillement songer à s’organiser. Farel restera deux ans encore à Genève,
puis il s’effacera devant celui qu’il considère comme son maître et
s’installera à Neuchâtel.
Farel voit en Neuchâtel un centre de rayonnement de la
Réforme. Il y veut une bonne école, un collège, voire une académie. Mais
pensionnaires et écolages ne l’empêchent pas de végéter. De plus, la régence de
Claude de Guise, adversaire acharné de la Réforme, menace même les acquis. La
tentation de quitter la ville est grande, d’autant qu’on l’appelle à Genève,
mais il ne veut pas partir avant d’avoir trouvé un remplaçant qualifié. Il n’en
trouve point et il reste. Sa tâche est lourde. Prêcher, enseigner, visiter les
malades à l’hôpital et à domicile, les lépreux à la Maladière, les vieillards,
les prisonniers. Elle n’est pas sans risque: à Valangin, il est battu et traîné
jusqu’à la chapelle où on le fait s’agenouiller en lui ordonnant: «Juif, adore
ton Dieu», en lui frappant la tête contre la pierre.
En 1542, il est invité par le maître-échevin de Metz Robert de Heu
qui assiste son frère Gaspard, son successeur au poste de
maître-êchevin. La famille, majoritairement protestante, invite Guillaume Farel
a prêcher les idées de la Réforme dans la ville libre de Metz et réside au château de Montoy qui deviendra un haut-lieu du
protestantisme en Lorraine.
A 69 ans, le 20 décembre 1558, il épouse la très jeune fille
de la veuve d’Alexandre Thorel, de Caen, mariage qui provoque quelques remous
vite oubliés. Il sera encore à Gap, où une Eglise nombreuse se constitue, à
Grenoble, à Die. Il assiste aux derniers instants de Calvin et s’éteint le 13
septembre 1565. Alors qu’il avait miraculeusement guéri d’une grave maladie qui
l’avait frappé douze ans auparavant, Calvin lui avait souhaité encore dix ans
de labeur. Onze lui furent donnés. Dieu écoute ceux qui font sa volonté.
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