mardi 20 novembre 2018

William Booth et sa vision pour les enfants et les familles (5)


Leçons apprises pour aujourd’hui

Nous pouvons tirer de nombreuses leçons pour aujourd’hui de l’étude de la vie de William Booth. Il a eu tant d’inspirations remarquables, beaucoup d’entre elles en avance sur son temps. Je vais recenser certaines d’entre elles, mais la liste n’est en aucun cas exhaustive. Et nous ne retiendrons que celles qui sont liées aux enfants et aux familles. Pour rester simple, je vis utiliser le terme «enfant», mais je fais également référence aux adolescents en-dessous de dix-huit ans:

1.   Nous devons focaliser notre évangélisation sur les enfants. Plusieurs études ont montré que la plupart des gens (nous lisons différents chiffres entre 60% et 85%) qui prennent une décision pour Christ le font entre quatre et quatorze ans.[1] La moisson est mûre et leurs cœurs sont prêts. Et nous devons prendre en compte qu’un grand pourcentage de la population a moins de quatorze ans (entre 12% à Hong Kong et 50% au Niger[2]). Le docteur Dan Brewster de Compassion International écrit:

Nous devrions être préoccupés par la situation des enfants dans le monde parce qu’il y en a tellement. Plus d’un tiers de la population mondiale, près de deux milliards de personnes, ont moins de dix-huit ans. Pratiquement la moitié de la population mondiale a moins de vingt ans. Ces faits seuls devraient suffire à amener les responsables d’église à réexaminer leurs priorités et leurs stratégies pour la décennie à venir. Et ces faits devraient certainement attirer l’attention des stratèges et des planificateurs des églises et des missions pour le vingt-et-unième siècle.[3]

Pour cette raison, de nombreuses missions et dénominations tout autour du monde se sont réunies à l’invitation du docteur Luis Bush et d’autres pour lancer ce qui s’appelle aujourd’hui le Mouvement de la Fenêtre 4/14, faisant référence au «groupe démographique entre quatre et quatorze ans, qui est le plus ouvert et le plus réceptif à toute forme d’apport spirituel et de développement.»[4] Ce mouvement promeut un nouvel accent missionnel, un âge d’or d’opportunité pour transformer le monde. Nous prenons maintenant conscience de ce que William Booth encourageait il y a plus de cent ans. Mais il reste encore beaucoup à faire!

2.   Nous devons focaliser notre formation sur les enfants. Le Mouvement de la Fenêtre 4/14, que j’ai décrit ci-dessus, ne se concentre pas que sur l’évangélisation, mais développe une approche holistique globale: Rejoindre (aller dans le monde pour servir et sauver cette génération) – Sauver (délivrer les enfants de l’oppression, de la tromperie, de la dépression et de la destruction) – Enraciner (enraciner les enfants en Christ, celui qui soutient toutes choses, qui nourrit leurs âmes) – Libérer (les libérer dans la mission pour récolter la plus grande moisson de l’histoire). Les Fabricants de Joie ont déjà les mêmes catégories depuis trente ans, et nous les appelons: Prendre soin, rejoindre, Former et Mobiliser. Le fait de concentrer notre formation sur les enfants peut avoir des effets puissants. Je parlais avec un de nos responsables de JEM en Afrique et il m’encourageait en disant: «L’année dernière, nous avons eu deux Ecoles de Formation de Disciples (EFD) sur notre base. Dans la première, plusieurs de nos étudiants étaient d’anciens FJ. C’était incroyable de voir les fondements dans leurs vies, leur esprit d’initiative, leur stabilité dans la foi et leur amour pour le Seigneur. Ça a été une super EFD, facile à conduire, et nous avons vu beaucoup de fruits. Dans l’école suivante, nous avions beaucoup de jeunes d’arrière-plans difficiles. Nous avons du prendre beaucoup de temps pour expliquer, discuter, justifier nos décisions et confronter des mauvaises attitudes… Nous avons vu la différence!» Pourquoi attendre qu’ils soient adultes? Le fait de commencer jeune va nous aider à préparer une génération forte qui sait où elle va. C’est exactement ce qu’a fait William Booth il y a plus d’un siècle. Mais la tâche n’est pas terminée!

3.   Nous devons sortir d’un modèle basé uniquement sur les classes d’âge et apprendre à relier les générations. Cet aspect n’est pas réellement compris. Le système scolaire basé sur les classes d’âge domine nos stratégies de formation des enfants. Cette approche est basée sur le pragmatisme, car nous pouvons être plus pointus et pertinents, et elle est bien évidemment totalement valide. Mais le fait de relier les générations est plus proche du modèle et des principes bibliques. Les enfants apprennent aux côtés des autres générations. Et nous bâtissons ainsi un sens de famille et de transmission où nous apprenons à nous compléter et à nous honorer les uns les autres, et nous évitons les fossés générationnels et une indépendance malsaine. C’est beaucoup plus difficile à appliquer aujourd’hui que dans le passé, où cela faisait de toute façon partie du tissu social, mais il est toujours crucial que nous redécouvrions et apprenions à appliquer ce principe dans la façon dont nous rejoignons et formons la génération émergente. De plus, cela leur donne des racines, une sécurité et des parents spirituels, ce qui est bien nécessaire à notre époque. C’est exactement ce que William Booth a fait il y a plus d’un siècle, en invitant les enfants aux côtés des adultes à être en relation et à servir avec eux, tout en ayant toujours des rencontres adaptées à leur âge. Nous avons toujours besoin des deux – malheureusement, la plupart des ministères auprès des enfants ne se concentrent que sur un aspect.

4.   Nous devons équiper les enfants pour le grand commandement missionnaire. Nous rencontrons là une fois de plus quelques craintes et une certaine hésitation. Nous ne voulons pas manipuler les enfants, nous ne voulons pas les pousser au-delà de ce qui est authentique dans leur foi grandissante, et ces points sont importants. Il y a de réels dangers quand nous avançons dans cette direction. Pourtant, faire des disciples implique de leur enseigner à garder tout ce que Jésus nous a prescrit – et servir les autres, partager l’Évangile et aller dans les nations en fait pleinement partie. Même si nous n’attendons pas des enfants la même chose que des adultes, la plupart des enfants aime donner et servir. Ils sont compatissants, ont une grande foi, touchent et ouvrent les cœurs des gens et ont un tranchant prophétique, Dieu les utilisant pour ouvrir des portes que les adultes ne peuvent pas ouvrir eux-mêmes. William Booth leur faisait confiance et les libérait pour aimer et servir les autres il y a plus de cent ans. L’Église a toujours besoin de grandir dans cette dimension et dans la façon de considérer la capacité spirituelle des enfants.  

5.   Nous avons besoin d’une approche holistique des enfants. Au siècle dernier, nous avions tendance à ne servir les enfants que dans une dimension: soit nous répondions à leurs besoins et faisions un travail social, nous concentrant sur leur bien-être physique, intellectuel, émotionnel et social, soit nous cherchions à atteindre leur âme, en nous concentrant sur leur condition spirituelle éternelle, en les évangélisant et en les amenant au salut. Nous avons séparé les différents aspects de la personne et les avons même considérés comme opposés. De nombreuses missions redécouvrent aujourd’hui une approche holistique – Jésus est venu sauver la personne dans sa globalité, pas seulement sa partie spirituelle. William Booth a pratiqué cette approche globale envers les pauvres il y a plus de cent ans. Nous y revenons aujourd’hui!

6.   Nous avons besoin d’une approche intégrée des enfants. Certaines personnes font un ministère de compassion, d’autre de l’évangélisation, d’autres du discipulat… et nous avons tendance à créer des catégories, des secteurs qui ne sont pas liés les uns aux autres. De plus, certains développent des aspects pour lesquels ils n’ont ni qualification ni onction alors que les enfants qu’ils rejoignent grandissent avec Jésus, passant peut-être de ministères d’entraide au discipulat. A l’Armée du Salut, il n’y avait pas de telle sectorisation. On prenait soin des enfants, on les évangélisait, on les discipulait, on les mobilisait… Tout était intégré dans le contexte de la famille biologique et de la famille spirituelle.

7.   Nous devons équiper les couples et les familles pour les rendre aptes à devenir des sanctuaires, des équipes et de lieux de formation pour la mission. Discipuler les nations est une tâche énorme. Cela commence bien sûr en discipulant les individus. La prochaine étape consiste à discipuler les couples et les familles, les plus petites formes de communauté sur terre et un fondement pour les autres sphères de la société. C’est notre première école, notre première expérience e gouvernement, notre première économie (le mot «économie» vient en fait du grec oekonomos, «gestion d’une maison», lui-même dérivé d’oikos, «maison, famille»[5]) – elle est appelée à être notre première église, notre «église domestique», comme les catholiques[6] et les Pères de l’Église la décrivaient. Pour cette raison, nous devons enseigner les couples et les familles comment vivre avec Jésus 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, pas seulement dans des réunions ou des contextes de ministère – c’est ce que j’appelle un sanctuaire. Nous devons leur enseigner à entendre la voix de Dieu et lui obéir ensemble en tant qu’équipe familiale. Et nous devons leur enseigner non seulement à être bénis, mais à devenir une source de bénédiction pour les gens qui les entourent.[7] William Booth a incarné ces vérités dans sa propre famille il y a plus de cent ans. La famille a toujours été la stratégie première de Dieu pour transmettre la foi et la mission, et nous devons réajuster nos stratégies pour nous assurer de coopérer avec les priorités et les voies de Dieu.

8.   Nous devons former nos leaders à prioriser leur couple et leur famille et à démarrer leur ministère depuis l’intérieur de leur famille. J’enseigne dans plusieurs écoles bibliques et formations de leadership; sur un programme d’études de trois ans, dans la plupart d’entre elles, trois jours seulement sont consacrés à la famille (principalement sur la façon de préparer les gens au mariage et la relation d’aide), et trois jours sont consacrés aux enfants. J’enseigne ces sujets, et jusqu’à très récemment, ces cours étaient facultatifs… Pourtant, je vois de nombreux pasteurs et leaders qui luttent dans leur couple et dans leur famille, ne sachant pas comment concilier famille et ministère. Et quand l'ennemi peut détruire le mariage et la famille d'un leader, l’impact va bien au-delà de sa parenté immédiate. Toute l’église est ébranlée. Nous avons l’habitude de séparer la vie publique et la vie privée, comme s’il s’agissait de deux mondes différents sans aucun lien, mais nous devons comprendre et redécouvrir que notre autorité à l’extérieur jaillit de l’intérieur, comme Stephen Covey le décrit dans son livre Les 7 habitudes des familles épanouies.[8] William Booth avait compris cela il y a plus de cent ans. Nous avons urgemment besoin de le redécouvrir aujourd’hui.




William Booth avait une vision très large. Il n’était pas particulièrement appelée à un ministère auprès des enfants. Mais il avait un cœur pour les gens qui souffrent. Tout autour du monde aujourd’hui, les enfants restent le groupe le plus affecté et le plus vulnérable à toutes sortes de maladies et de souffrances. On nous dit que près de 20'000 enfants meurent encore chaque jour dans le monde, beaucoup d’entre eux de malnutrition et de maladies qui auraient pu être prévenues. Beaucoup ne sont pas désirés, le sein maternel devenant l’un des endroits les moins sûrs du monde pour un enfant. Nous pourrions parler des 100 à 200 millions d’enfants des rues, des près de deux millions d’enfants morts dans des guerres lors de la dernière décennie, des quatre à cinq millions qui ont été physiquement invalidés, des cinq millions qui ont été placés dans des camps de réfugiés et des plus de douze millions qui ont perdu leur foyer.[9]

L’ennemi est en guerre contre les enfants. Ils sont la proie la plus facile; ils représentent aussi une cible tellement, alors que la génération émergeante est en train d’être formée, alors que l’avenir du monde est en train d’être façonné.  Que devrions-nous faire? Lamentations 2:19 nous exhorte: «Lève-toi, pousse des gémissements à l'entrée des veilles de la nuit! Répands ton coeur comme de l'eau, en présence du Seigneur! Lève tes mains vers lui pour la vie de tes enfants qui meurent de faim aux coins de toutes les rues!» Nous devons cesser de mépriser les enfants[10] comme étant moins importants, moins stratégiques et moins centrés sur le Royaume et, en suivant l’exemple de William Booth, quel que soit notre accent de ministère, demander au Seigneur comment nous pouvons les impacter, les atteindre, prendre soin d’eux et de leur famille, car c’est au cœur des préoccupations de Dieu alors qu’il bâtit son Royaume.  

Laissez-moi conclure par cette citation de William Booth, un extrait de son livre The Training of Children:

Mais réfléchissez, de plus, à la possibilité de lever une multitude d’hommes et de femmes dont les corps n’ont jamais été contaminés par de vicieuses indulgences, dont les esprits ont été éclairés et remplis des principes de la vérité divine dès leur enfance, et dont les cœurs, dès leur plus jeune âge, ont été inspirés par l’amour de Christ et possédés de l’ambition suprême de glorifier le Père, détrôner le diable, détruire le péché et sauver le monde! Et qui dans tous leurs calculs pour l’avenir, ne rechignent pas à faire des sacrifices, à porter leur croix ou à endurer toute souffrance nécessaire pour couronner cette entreprise de victoire!

Nous pouvons voir dans une telle force un faible présage du temps où tous le connaîtront, du plus petit jusqu’au plus grand. Et le fait de susciter une telle force doit être digne de tous les sacrifices, les peines et les soins de notre part. Hâtons-nous d’être les moyens de convertir, d’enseigner, de protéger, d’entraîner et d’utiliser les enfants, et il pourrait être dit non seulement d’individus, mais de nations, qu’«un petit enfant les conduira.»[11]





[1]. Voir par exemple George Barna, Transforming Children into Spiritual Champions (Ventura, CA: Regal Books, 2003).
[2]. La Banque Mondiale, “Population Ages 0-14 (% of total)”, http://donnees.banquemondiale.org/ indicateur/SP.POP.0014.TO.ZS (consulté le 15 septembre 2014).
[3]. Dr. Dan Brewster, “The “4/14 Window”: Child Ministries and Mission Strategies”, http://www.compassion.com/multimedia/The%204_14%20Window.pdf (consulté le 16 septembre 2014).
[4]. “What is the 4/14 Window?”, http://www.4to14window.com/about/overview/ (consulté le 15 septembre 2014).
[5]. Dictionnaire étymologique online, http://www.etymonline.com/index.php?term=economy (consulté le 16 septembre 2014).
[6]. D’après la Constitution Dogmatique sur l’Eglise du Concile Vatican II: «La famille est, pour ainsi dire, l’église domestique.» (Lumen Gentium ♯11). Cela signifie que c’est dans le contexte de la famille que nous apprenons d’abord qui est Dieu et à chercher dans la prière sa volonté pour nous. http://www.usccb.org/beliefs-and-teachings/vocations/parents/tools-for-building-a-domestic-church.cfm (consulté le 16 septembre 2014).
[7]. Genèse 12:2.
[8]. Stephen R. Covey, The 7 Habits of Highly Effective Families (New York, NJ: Golden Books, 1997).
[9]. “UNICEF State of the World’s Children 2013”, http://www.unicef.org/sowc2013/ (consulté le 16 septembre 2014).
[10]. Matthieu 18:10.
[11]. William Booth, The training of Children.

1 commentaire:

  1. Merci Guy pour ces rappels pour nos enfants en soulignant l’importance de transmettre et d’accompagner dans leur croissance spirituelle. Ne pas entendre des autres mais comprendre et accepter le mandat que nous avons en temps que parents.
    Tim

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