Calvin
Dans son académie de Genève, Calvin considérait la nécessité d’avoir
des formateurs tant pour l’Ancien que pour le Nouveau Testament, faisant
d’abord penser que cet ordre ne concernait que la formation des pasteurs. Mais
il écrit ensuite:
Mais comme il n’est possible de profiter de tels cours que si l’on a
d’abord été instruit dans les langues et les humanités, et parce qu’il est
aussi nécessaire d’éduquer la descendance pour les temps à venir, afin de ne
pas laisser l’Église désertée pour nos enfants, un collège devrait être fondé
pour instruire les enfants, pour les préparer pour le ministère aussi bien que
pour le gouvernement civil.[1]
A Genève, Calvin a encouragé un système d’éducation qui fonctionnait
comme une coopérative entre le gouvernement civil, l’Église et la famille. Le
gouvernement civil a rendu l’école obligatoire et mis à disposition des
bâtiments et des ressources à ses frais. L’Église a fortement influencé le
programme, et les parents soutenaient les écoles et leurs enfants.
Les réformes éducatives de Calvin à Genève comprenaient l’établissement
de l’un des premiers systèmes d’éducation publique gratuits et obligatoires.
Par la suite, il a ouvert un collège pour l’éducation supérieure dans lequel
les jeunes hommes se préparaient au service dans le ministère et le
gouvernement civil.[2]
La philosophie d’éducation de Calvin était très anti-autoritariste et
exhortait les enseignants à ne pas s’asseoir au-dessus de leurs étudiants et à
simplement discourir, mais à marcher au milieu d’eux et avec eux, comme des
compagnons. Calvin insistait sur le fait que les enseignants évitent la dureté
parce qu’elle intimidait les étudiants et les empêchait d’accomplir leur
potentiel éducatif dans un environnement d’arts libéraux. L’objectif de
l’enseignant devait être d’encourager, pas de décourager.[3]
Calvin a été appelé le «père de l’éducation populaire et l’inventeur
des écoles libres.»[4]
Ronald Hanko explique que
Ces hommes s’accordaient en
grande mesure sur les principes de base de l’éducation chrétienne. Non
seulement ces principes les guidaient et les motivaient dans leur travail, mais
ils restent encore les principes fondamentaux de l’éducation chrétienne jusqu’à
nos jours. Ceci pour dire que, bien sûr, ces principes étaient bibliques.[5]
Je mentionne
particulièrement trois de ces principes:
1. Tous les réformateurs insistaient sur le
fait que l’éducation des enfants doit être une éducation religieuse. Luther
disait:
Je ne recommanderais à personne d’envoyer son enfant là
où les Saintes Écritures ne sont pas suprêmes… Je crains grandement que les
universités, à moins qu’elles n’enseignent les Saintes Écritures avec diligence
et qu’elles ne les impriment dans les cœurs des jeunes étudiants, ne soient que
de larges portes pour l’enfer.[6]
2. Les réformateurs croyaient en l’éducation
de «l’homme chrétien», c’est-à-dire en une éducation large des arts libéraux
qui formerait chaque croyant pour sa place dans l’Église et dans la société,
comme une personne capable de connaître Dieu et de le glorifier quel que soit
son appel. Ils croyaient en une éducation qui n’était ni simplement
catéchétique, ni uniquement vocationnelle. Riemer Faber dit de Luther:
Il était convaincu que la connaissance des arts libéraux
– histoire, langues, etc. – offrait le meilleur contexte pour l’étude des Écritures. Non seulement les ministres, théologiens, enseignants et érudits
éduqués de cette manière pouvaient-ils servir l’Église au mieux, mais tous les
croyants en tant que membres du corps de Christ connaîtraient mieux Dieu et son
œuvre dans le monde par le moyen d’un tel apprentissage.[7]
3. La Réforme voyait le bien-être de l’Église
et la vie sanctifiée du peuple de Dieu, qui fait partie de leur salut, comme
l’objectif principal de l’éducation. Elle ne cherchait pas l’établissement
d’une société chrétienne, ou même des changements fondamentaux dans la société
comme but de l’éducation, bien que la plupart d’entre eux croyaient que l’état
civil aussi bien que l’Église serait servi par l’éducation.[8]
Pourtant, Tom Bloomer de l’Université des nations souligne que la Réforme
française était différente des Réformes allemandes et anglaises. A Genève, rien
ne fonctionnait, les familles étaient brisées… Ainsi les autorités ont-elles
demandé à Calvin de les enseigner comment appliquer les valeurs bibliques dans
la société et cela a amené une profonde transformation. Calvin n’a pas établi
une théocratie. Pour lui, le rôle de l’Église était double: enseigner les
principes de la Parole aux autres sphères et les tenir redevables.[9]
Luther a particulièrement souligné le grand objectif de
l’éducation, et ce qu’il a dit devrait vraiment être ré-entendu aujourd’hui.
Quand les écoles prospèrent, les choses vont bien et l’Église est en sécurité. Suscitons davantage de docteurs et de maîtres. La
jeunesse est la nurserie et la fontaine de l’église. Quand nous sommes morts,
où sont les autres (pour prendre notre place) s’il n’y a pas d’écoles. Elles
sont les préservatrices de l’église.[10]
L’historien Bernard
Grosperrin écrit: «Ces écoles constituaient certainement une arme puissante
pour la foi et l’éducation morale, et elles ont assuré pendant longtemps et
bien au-delà de l’Ancien Régime une
imprégnation chrétienne dans la société française que le catéchisme paroissial,
les sermons et les missions ont certainement fortifiée; mais les écoles en
constituaient vraiment l’instrument le plus efficace.»[11] La
volonté d’éduquer, reliée au 16ème siècle à l’idée que l’éducation
devrait être accessible à tous, avait un objectif principal: non seulement
informer, mais former les chrétiens avec un fondement unique, la Bible. Luther,
par exemple, écrit «aux conseillers de toutes les villes en Allemagne pour les
exhorter à ouvrir et à maintenir des écoles.» Pour lui, l’église ne peut
subsister que par les écoles. Calvin lui-même a déclaré que «les églises feront
tous leurs efforts pour bâtir des écoles et pour s’assurer que la jeunesse soit
éduquée.»[12]
[1]. Duncan S. Ferguson et William J. Weston, éd, Called to Teach: The Vocation of the Presbyterian Educator
(Louisville, KY: Geneva Press, 2003), p. 49.
[2]. Joseph James Chambliss, éd., Philosophy of Education: An Encyclopedia (New York, NY: Routledge,
1996), p. 64.
[3]. Joseph James Chambliss, éd.,
Philosophy of Education, p. 64.
[4]. Philipp Schaff, History of the
Christian Church, Volume VIII: Modern Christianity. The Swiss Reformation
(Grand Rapids, MI: Christian Classics Ethereal Library, original, 1881. Basé
sur la version de 1910, ceci étant l’édition électronique de 2002).
[5]. Ronald Hanko, «Christian Education: A Reformation Heritage,» Lynden
Protestant Reformed Church, consulté le 14 novembre 2014,
http://www.lyndenprc.org/jm/PDF/The%20Reformation%20&%20 Education.pdf.
[6]. Martin Luther, «To the Christian Nobility of the German Nation Concerning
the Reform of the Christian Estate,» in Luther’s
Works, éds. Jaroslav Pelikan et Helmut Lehmann (St. Louis, MO: Concordia
Publishing House, 1955-1986), 44:207.
[7]. Riemer Faber, «Martin Luther on Reformed Education,» dans Clarion, Vol. 47, No. 16 (1998), 5. Peut
être trouvé sous http://www.spindleworks.com/library/rfaber/luther_edu.htm (consulté
le 14 novembre 2014).
[9]. Tom Bloomer, Master exécutif en leadership, Université des nations, notes
prises par l’auteur, San Antonio del Mar, Octobre 2014.
[10]. Martin Luther, Table Talk, ♯5557, éd. Theodore Tappert, dans Works of Martin Luther, Vol. 54 (Philadelphia, PA: Muhlenberg
Press, 1943), p. 452.
[11]. Bernard Grosperrin,
Les petites écoles sous l’Ancien Régime
(Rennes, France: Editions Ouest-France, 1984).
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