Sœur
Emmanuelle: la petite sœur des pauvres
Madeleine Cinquin est née le 16 novembre 1908 à Bruxelles d’un père
français et d’une mère belge. Elle a grandi dans une famille aisée de trois
enfants ayant fait fortune dans la lingerie fine et partage ses jeunes années
entre Paris, Londres et Bruxelles. En 1914, alors qu’elle n’a que 6 ans, elle
est fortement marquée par le décès accidentel de son père, noyé sous ses yeux à
Ostende. Cette expérience la traumatise profondément et la fait se rapprocher
de Dieu. Elle déclare que, dans son inconscient, sa vocation de religieuse date
de cet accident.
Quelques années plus tard, Madeleine Cinquin
souhaite aller à l'Université catholique de Louvain
mais sa mère s'y oppose car elle estime qu'elle y serait trop oisive. Elle
remarque alors que sa fille se tourne vers le Christ
et tente de l'en détourner en lui faisant rencontrer la supérieure du couvent
de Notre-Dame de Sion à Londres. Ceci ne fait que renforcer ses convictions et
accentue la quête de toute sa vie, l'aide à l'enfance malheureuse. Après avoir
voulu initialement rejoindre les Filles de la Charité,
Madeleine entre finalement comme postulante à la congrégation de Notre-Dame de Sion
le 6 mai 1929. Après des études de
sciences philosophiques et religieuses, elle prononce ses vœux de
religieuse le 10 mai 1931 et choisit le nom de Sœur Emmanuelle, qui signifie «Dieu avec nous» en hébreu.
La carrière d'enseignante de sœur Emmanuelle
commence tout d'abord à Istanbul en Turquie, dans une école pour jeunes filles d'un quartier
pauvre de la ville. Sœur Emmanuelle attrape alors la typhoïde et toutes les autres sœurs lui
proposent leur sang afin de l'aider à combattre la maladie. Une fois rétablie,
en guise de remerciement, sœur Emmanuelle donne une conférence sur la vie de Soliman le Magnifique et impressionne la
directrice du collège qui décide alors de l'affecter dans son établissement.
Bien que celle-ci se soit engagée à envoyer Sœur Emmanuelle au service des
pauvres, elle la convainc qu'elle sera plus efficace si elle enseigne à des
jeunes filles aisées, appelées à avoir un rôle influent dans la vie turque.
Après la mort de sa supérieure, Sœur Emmanuelle ne s'entend pas avec sa
remplaçante et elle est envoyée à Tunis.
De 1954 à 1959,
elle enseigne en Tunisie
pendant cinq ans où elle s'occupe de filles de Français installés dans le pays
mais ce nouveau poste ne lui convient pas. En pleine décolonisation du pays,
les filles dont elle a la charge lui semblent plus superficielles et
l'environnement général la fait doucement sombrer dans une dépression. Ce n'est
qu'au bout de trois ans que les responsables de Sion se rendent compte de son
état et se décident à la déplacer.
Après avoir décroché sa licence en lettres à la Sorbonne à Paris, Sœur
Emmanuelle est de nouveau affectée à Istanbul en 1959 pour une courte
durée.
De 1964 à 1971,
elle est envoyée en Égypte pour enseigner au collège de Sion à Alexandrie.
Cette expérience s'avère de nouveau négative pour elle car les élèves dont elle
est responsable sont peu ouverts sur la pauvreté. Elle décide donc d'arrêter
d'enseigner la philosophie et s'occupe à la place des filles du quartier
défavorisé de Bacos. C'est durant cet épisode qu'elle tombe amoureuse de
l'Égypte.
En 1971, à l'âge de la retraite, elle décide de partir s'occuper
des lépreux
au Caire mais doit renoncer face à des complications administratives. Elle décide
alors de partager la vie des plus démunis et, avec l'autorisation de sa
congrégation, part s'installer à Ezbet-El-Nakhl,
un des bidonvilles
les plus pauvres du Caire, au sein de la communauté majoritairement copte
chrétienne des zabbalines, chargée de la récupération des déchets.
En collaborant avec plusieurs églises locales, elle parvient à établir une
communauté et lance de nombreux projets de santé, d'éducation et de protection
sociale visant à améliorer les conditions de vie.
En 1976, elle rencontre Sarah Ayoub Ghattas (Sœur Sarah),
alors supérieure de la congrégation copte-orthodoxe des Filles de Marie de
Béni-Souef. Francophone et issue d'une famille de la bourgeoisie,
elle obtient l'autorisation de l'évêque Athanasios, fondateur de la
congrégation, de rejoindre Sœur Emmanuelle à Ezbet-Al-Nakhl dont elle partage
la cabane. En 1977, Sœur Emmanuelle publie son premier livre Chiffonnière
avec les chiffonniers dans lequel elle raconte son combat. En compagnie de Sœur Sarah,
elle part en 1978 aux États-Unis afin de récolter des fonds. À leur retour, avec
l'argent amassé, elles peuvent investir et en 1980, le Centre Salam est
inauguré par l'épouse du président Sadate
et propose des dispensaires, des écoles,
des jardins d'enfants, des centres de formation et un club social.
En 1982, après avoir confié la gestion d'Ezbet-Al-Nakhl à des
jeunes religieuses de l'ordre des filles de Sainte-Marie, elle s'occupe des
chiffonniers de Mokattam représentant, avec plus de 23 000 personnes
vivant au milieu des détritus, la plus grande communauté de zabbalines du
Caire. En 1984,
Sœur Emmanuelle vient en aide à cinq familles pauvres et permet à chacune de se
construire un abri, séparé du lieu où sont triés les déchets. Elle fera plus
tard construire ce même type d'abris à plus grande échelle afin d'accueillir le
plus de monde possible. Elle continue à utiliser son charisme afin de récolter
des dons et mobiliser les pouvoirs. Elle permet de raccorder le bidonville à
l'eau et l'électricité et poursuit la construction de nombreuses habitations et
d'une usine de compost. En 1985, elle s'installe dans le bidonville de Meadi Tora puis se
rend à Khartoum
(Soudan)
la même année pour y créer foyers, écoles, fermes et dispensaires.
En 1991, à l'occasion de la célébration des «noces de diamant» de sa vie religieuse, le
président Moubarak lui remet la nationalité
égyptienne en reconnaissance de son œuvre en Égypte. En 1993, à la demande de sa
congrégation, Sœur Emmanuelle quitte définitivement l'Égypte et rejoint sa
communauté en France. Sœur Sarah dirige alors l'entreprise caritative
et continue seule le développement du bidonville de Mokattam. Depuis, un lycée
pour filles a été créé grâce à l'Opération Orange (une orange par jour pour
chaque enfant) et des écoles techniques ont été ouvertes pour les garçons. Un
hôpital a même été construit grâce au prince Albert de Monaco. En 22 années de
présence, l'œuvre de Sœur Emmanuelle a permis de scolariser 85 % des
enfants, de faire diminuer la violence et de permettre aux femmes de se
libérer.
À son retour en France, Sœur Emmanuelle
continue de se battre pour plus de solidarité. Elle écrit des livres, rencontre
des jeunes dans les écoles, s'occupe d’une association qui vient en aide aux SDF et donne des conférences aux côtés de son
association pour sensibiliser le public à l'engagement solidaire.
Parallèlement, Sœur Emmanuelle continue à
donner «un souffle» à son association. Elle lui transmet ses principes
d'actions qui sont chaque jour mis en pratique sur le terrain. «Éduquer un
homme c'est éduquer un individu, éduquer une femme, c'est éduquer un peuple».
Le 1er janvier 2002, Sœur Emmanuelle est
promue par Jacques Chirac au grade de commandeur de la Légion d'honneur avant
d'être élevée, par Nicolas Sarkozy, le 31 janvier 2008 grand officier de la Légion d'honneur. En
Belgique elle devient en 2005 grand officier dans l'Ordre de la Couronne.
Depuis 1993, elle vit à la Maison
de repos des religieuses de Notre-Dame de Sion à Callian dans le département du
Var, où elle meurt le 20 octobre 2008 à l'âge de 99 ans.
Elle est inhumée dans la plus stricte intimité, selon ses propres volontés, le 22 octobre 2008 au cimetière de
Callian.
Sœur Emmanuelle était une personnalité
très aimée de l'opinion publique en raison de son engagement humanitaire, de sa
personnalité, de son caractère exubérant et de son franc-parler, souvent en
contraste avec le ton employé par l'Église ou la simplicité d'autres religieux
comme l'Abbé Pierre ou Mère Teresa qui s'étaient eux aussi engagés en faveur de
plus pauvres et bénéficiaient d'un fort soutien populaire.
Elle était très médiatisée depuis son passage en 1990 à l'émission La Marche du siècle de Jean-Marie Cavada et s'était construite une image caractéristique avec sa blouse, son fichu, ses baskets noires et son habitude de tutoyer les journalistes.
Elle était très médiatisée depuis son passage en 1990 à l'émission La Marche du siècle de Jean-Marie Cavada et s'était construite une image caractéristique avec sa blouse, son fichu, ses baskets noires et son habitude de tutoyer les journalistes.

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