Félix Neff: L’apôtre des Hautes-Alpes
Félix
Neff est né en 1798 à Genève, il est le fils naturel d’un colonel de l’armée
suisse, voltairien, qui participe à la Révolution à Paris. Félix est élevé par
sa mère très pieuse. Durant ses études, il lit Jean-Jacques Rousseau. A 15 ans,
il est apprenti chez un jardinier fleuriste
et à 16 ans, il écrit un petit traité sur les arbres et leur culture, La culture des arbres de haute futaie. A
17 ans, il s’engage dans la garnison de Genève et à 19 ans, il est sergent
d’artillerie. Durant ses soirées, il apprend les mathématiques et les sciences
naturelles.
C’est
à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de sous-officier qu’il fait connaissance
des «momiers» de
l’Église indépendante née du Réveil. Cette
«secte» étant mal perçue par la population, ses membres sont l’objet de
nombreuses vexations et violences et c’est pour les défendre que la Garde
intervient. Neff ne partage absolument pas leurs conceptions du christianisme
et il s’offusque même que l’on veuille les défendre. À ce moment, il est bien
entendu loin de se douter qu’il allait bientôt adhérer à leurs idées. C’est
après la lecture d'un petit traité traduit de l’anglais, Le miel découlant
du rocher, qu’il passe par une conversion
personnelle profonde et qu’il décide de consacrer sa vie à l'annonce de la
Parole de Dieu. Il quitte alors l'armée, en 1819, et part annoncer l'évangile, d’abord
en Suisse, avant d’être appelé à Grenoble, où il participe au Réveil et crée
une église locale, puis à Mens.
Neff arrive à comme
pasteur suffragant Mens le 28 décembre 1821. Il va y passer presque
deux ans. Mens est un gros village de plus de 1000 habitants, entièrement
protestant, mais la spiritualité n’est plus ce qu’elle avait été. Les
auditoires étaient considérable mais, pour Félix Neff: «Tout ce beau monde est
mort.» Son opinion sur son collègue est d’ailleurs semblable: «Quoique très
orthodoxe, bon enfant et même très zélé, il dort encore de toutes ses forces
dans le protestantisme». Félix Neff est d’abord un catéchiste, et il utilise
des méthodes d’évangélisation originales: il multiplie les réunions du soir,
par petits groupes, tantôt les garçons, tantôt les filles, en respectant les
classes d’âge. Il forme des moniteurs et monitrices. En peu de temps, il
entraîne des conversions en très grand nombre, surtout parmi les adolescents et
les jeunes adultes.
Ce réveil s’étend à
plusieurs villages et hameaux et la population entière participe à des
assemblées aussi bien en semaine que le dimanche. Lorsque le pasteur titulaire
revient, il s’inquiète de ce changement, n’aimant pas les «mystiques de Genève,
les novateurs» et s’oppose fortement à Neff.
Félix reçoit alors
un appel des Hautes-Alpes, mais il se rend d’abord à Londres en 1823 pour y
recevoir la consécration pastorale. Son nouveau champ d’activité couvre la région du Queyras et la vallée de Freissinières, longue de 18km et dont
l’altitude moyenne est de 1200m. Ces protestants de la vallée mènent une vie
rude, très rude même: les hivers sont longs, les pluies torrentielles, il y a
des éboulements de terrain, des avalanches et des inondations. «9 mois d’hiver,
3 mois d’enfer,» disait-on. Il y a là une économie entièrement fermée à base de
viande salée (porc, chamois, marmotte), de choux et de pommes de terre qui sont
la base de l’alimentation. Ces habitants sont sans pasteur depuis plusieurs décennies,
aussi l’arrivée de Félix est un véritable événement.
Afin d’être compris
de tous, il apprend le patois local. Sans compter son temps et ses forces, il
inaugure un ministère très particulier. Il parcourt sans trêve sa vaste
paroisse; il ne couche jamais plus de 5 jours de suite dans le même lit; il
parcourt à pieds 1600 à 1800km par an dans un territoire très accidenté. Il est
prédicateur et évangéliste. Il construit des écoles, entre autres à
Dormillouse, et il installe dans ce hameau une école pour former les
instituteurs pour tous les villages de la région. Ce sera la première école
normale de France!
Il apprend à ses
paroissiens à construire des canalisations pour l’irrigation; il encourage la
culture de pommes de terre et leur apprend à les butter, il parvient à leur
faire assainir leurs maisons et leurs étables; il leur apprend un minimum
d’hygiène et des règles alimentaires de propreté; il leur transmet ses
connaissances sur la culture des arbres, en particulier sur la taille.
Au début, l’accueil
est hostile et il faudra plusieurs mois pour que le réveil éclate et que dans
chaque village se constitue un groupe de fidèles prêts à se réunir à n’importe
quelle heure: car Félix y arrive à 9 heures ou 10 heures du soir, il frappe aux
carreaux avec sa canne et les rassemble au temple où il leur parle une partie
de la nuit; puis il repart et s’en va plus loin…
Mais dans chaque
hameau, il laisse un responsable. Il en est de même dans les écoles où il
laisse des moniteurs. A l’Ecole Normale, il reste 5 ou 6 jours: le travail est
alors intensif (14 heures par jour) – et lorsqu’il part, il leur laisse un plan
d’études et d’approfondissement sous la direction de celui d’entre eux qui lui
parait le plus compétent. Il adopte donc la méthode de la délégation de pouvoir
ou de compétence: c’est la méthode de l’enseignement mutuel à l’école ou celle
des monitrices à l’école du dimanche.
Félix Neff a une santé délicate, il subit une usure précoce et il soigne
mal son estomac: il semble qu’il aurait eu une tuberculose pulmonaire et sans
doute aussi gastro-intestinale. Dans les dernières années, il se nourrit de
lait et de pain trempé. En avril 1827, il part pour Genève, s’arrête à Mens où
il prêche 4 à 5 fois par jour et arrive en Suisse début juin. Il se repose, se
remet à prêcher, mais perd ses forces rapidement. On lui recommande une cure
dans les Vosges où il prêche à nouveau, cette fois à un public très différent.
Mais cette cure est sans effet sur sa santé. Il regagne Genève pour y mourir le
12 avril 1829 à l’âge de 32 ans.
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