Eugène Casalis: Le précurseur de l’ethnographie (5’437)
Eugène Casalis est né en 1812 dans une
vieille famille huguenote d'Orthez, en France. Adolescent, il fut très profondément marqué
par le témoignage d’une figure du Réveil du début du XIXe siècle,
le pasteur évangélique suisse Henri Pyt, envoyé dans les Pyrénées-Atlantiques
par la Société continentale de Genève.
À sa conversion, Eugène Casalis a la
conviction qu’il est appelé par Dieu comme missionnaire aussi, en 1830,
rentre-t-il à la Maison des missions de Paris où, après deux années de
scolarité, il est ordonné missionnaire.
Quand on songe à la brièveté de sa formation
et à sa jeunesse lors de son départ, on ne peut qu’admirer les capacités
d’autodidacte de Casalis, confirmées par ses activités ultérieures.
La Société des missions évangéliques de Paris
(SMEP), dont dépendait la Maison des missions, avait initialement décidé
d’envoyer Eugène Casalis évangéliser l’Algérie avec deux autres étudiants, et
elle leur avait donc fait apprendre l’Arabe et étudier le Coran. Ils furent
cependant contraints de renoncer à ce projet devant le refus de toute
évangélisation de l’Algérie par les autorités militaires, ceci afin de ne pas
indisposer les chefs religieux qu’elles souhaitaient se rallier. La SMEP décida
alors de les envoyer au Bechuanaland afin de renforcer une première équipe
missionnaire, envoyée en 1829.
Arrivés au Cap en février 1833, les trois missionnaires
furent dissuadés d’aller au Bechuanaland, des
troubles ethniques provoquant dans cette région de constantes migrations de
populations qui rendaient impossible toute évangélisation.
C’est alors qu’ils furent approchés par un
chasseur mulâtre mosotho envoyé par le roi de ce qu'on nommait alors
Basutoland, Moshoeshoe, qui souhaitait la venue dans
son royaume des «Blancs bienveillants» dont il avait entendu parler; inquiet de
la multiplication des guerres tribales, il désirait en effet pacifier et
développer son pays, et il était convaincu qu’une mission chrétienne lui serait
d’une aide efficace.
Ils acceptèrent la proposition et arrivèrent, début juin
à Thaba Bosiu, la capitale du royaume des Basothos, située en pleine montagne.
Ils furent accueillis chaleureusement par Moshoeshoe et ils se mirent d’accord
sur deux emplacements pour les missions, l’une près de la capitale, l’autre en
plaine, à trente kilomètres de Thaba Bosiu, en un lieu qui fut nommé Morija en
juillet 1833. Cette station missionnaire allait devenir le centre de l’activité
missionnaire protestante française au Basutoland, avec un temple, des écoles,
une imprimerie et même un hôpital.
En 1837, à la demande du roi Moshoeshoe, Eugène Casalis
quitta Morija pour aller s’établir près de Thaba Bosiu. Ayant un très bon
contact avec le roi, il devint rapidement son conseiller spirituel et
politique, pour ainsi dire son ministre des affaires étrangères. Il conseilla
au roi de se rapprocher des Anglais et de chercher leur protection afin
d’empêcher l’invasion d’une partie de son pays par les fermiers Boers, les
négociations aboutissant à la signature du traité dit de Napier.
Les trois missionnaires traduisirent en langue séchuana
les évangiles ainsi qu’une cinquantaine de chapitres de la Bible et Eugène
Casalis publia plus tard, en 1841, un essai de fixation de la langue et de la
grammaire séchuana.
En 1838, Eugène Casalis se rendit au Cap où il épousa
Sarah Dyke, la fille d’un marchand d’origine anglaise établi au Cap et, en juin
1849, il fut contraint de revenir en France afin d’y collecter des fonds. En
effet, la crise économique qui avait précédé la Révolution de 1848 avait porté
un grave coup aux finances de la SMEP qui avait été contrainte de fermer la
Maison des missions de Paris et plusieurs stations missionnaires au Basutoland;
les missionnaires n’étaient même plus payés d’ailleurs. De plus, le
protestantisme traversait une période de crise sur le plan théologique,
divisant les protestants en libéraux et évangéliques, la mission demeurant
d’ailleurs le dernier lien entre les deux groupes. La tournée de Casalis connut
un grand succès car il était le premier missionnaire à revenir dans son pays
pour témoigner.
Revenu au Basutoland quinze mois plus tard, Eugène
Casalis découvrit une situation catastrophique. Depuis son départ, de nombreux
convertis étaient retournés au paganisme et les relations avec les Anglais
n’avaient fait que s’envenimer. Cette situation s’aggrava d’ailleurs dans les
années suivantes, les Anglais envahissant même le Basutoland en 1855. Bien que
victorieux dans tous les combats, Moshoeshoe, conseillé encore une fois par
Casalis, accepta la négociation qui aboutit à un armistice entre la colonie du
Cap et l’état souverain du Basutoland.
En 1855, après quatre nouvelles années au Basutoland,
Eugène Casalis quitta définitivement le pays à un moment critique, les Boers et
les Anglais faisant peser des menaces de plus en plus vives sur le territoire
du Basutoland. Il revint en France après 22 ans d’Afrique, veuf et père de 4
enfants. Plus tard, il publia, en 1859, Les Bassoutos, ou vingt-trois années
d'études et d'observations au Sud de l'Afrique, un ouvrage précurseur
d’ethnographie qui ne s’inscrit pas dans le style des explorateurs de l’époque.
Eugène Casalis était appelé à Paris pour diriger la
Maison des missions qui avait été à nouveau ouverte. Il assumera la charge de
directeur de l’institution, tout en étant aussi pasteur du temple protestant de
Passy (Paris) jusqu’en 1878. Il est décédé à Paris le 9 mars 1891.
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