Colomban: la vague missionnaire irlandaise
Le
5ème siècle a vu un véritable tournant de l'Europe occidentale,
alors que l'Empire romain se désagrège sous les attaques des barbares, l'Eglise
entreprend la conversion des Germains et entend, ainsi, assurer la défense de
la civilisation. L'effort des missionnaires va au delà des provinces de
l'Empire romain, vers des terres lointaines encore indépendantes et restées
fidèles à leurs anciennes traditions.
En
Irlande, en 432, Patrick
entreprend avec succès la conversion de l'île. L'homme, originaire de Bretagne connaissait
la région pour avoir été à 16 ans enlevé par des pirates irlandais. Il
s'échappe six ans plus tard pour rejoindre la Gaule où il devint moine à
l'abbaye de Lérins. L'Irlande était alors une île qualifiée de barbare, «la
terre des Scots», les légions romaines n'y avaient jamais mis les pieds. Si la
société celte, que ce soit en en Gaule ou en Angleterre avait été ébranlée par
les conquêtes romaines, l'Irlande avait conservé toutes ses traditions. L'île
était divisée en clans, où les druides avaient un rôle de premier plan sur le
plan religieux ou social. Patrick convertit en premier le chef d'un petit
royaume de l'Irlande du Nord en 432, Laoghaire puis poursuivit son oeuvre. Il
semble bien qu'en trente années, il ait réussi à substituer le christianisme
au druidisme, et qu'à sa mort, en 461, la religion du Christ ait été solidement
implantée dans l'île.
A
peine convertie, l’Irlande devient une pépinière de missionnaires. Des
monastères d'Irlande, des moines allèrent convertir les régions les plus
proches. L'Ouest et le Nord de la Grande-Bretagne, où furent construits des
couvent comme en Ecosse-Kentigern, Bangor, Iona. Les moines irlandais allèrent
en Europe occidentale, en Bretagne où Armorique, endroits ou la langue et les
traditions celtiques étaient conservées, ces régions ayant été négligées par
les Barbares. En moins de deux siècles, la Bretagne est entièrement acquise à
la religion chrétienne et sa conviction est si forte qu'elle devient un des
bastions les plus solides du christianisme en France. Il suffit de mentionner
saint Malo, saint Brieuc, saint Corentin, saint Guénolé et bien d'autres pour
constater que la géographie a gardé des traces de l'activité de ces
missionnaires.
Colomban
est né en 543; sa mère voyait pour lui un bel
avenir, mais, très vite Colomban rejette les plaisirs du monde pour devenir
étudiant. Vers 20 ans, il devient moine
au monastère de Bangor. Il remplit plusieurs fonctions
pendant près de 30 ans et il fonde le cloître de Durrow. Dans la tradition des moines voyageurs
irlandais, il décide de s'exiler définitivement vers 585. Il part avec 12
compagnons vers l'Europe, dont le futur Saint-Gall. Ils traversent la mer
d'Irlande sur leur curragh, bateau souple fait de lattes enveloppées de cuir et
débarquent non loin de Saint-Malo. Colomban
entreprit d'évangéliser les régions orientales de la Gaule. Les grandes migrations
germaniques avaient fait retomber des régions entières dans le paganisme Face
à des souverains mérovingiens qui se conduisaient comme des bêtes, son rayonnement
fut considérable. Leur re-évangélisation
était basée sur l'exemple de vie, «nombre de jeunes demandèrent à entrer dans
la communauté, rendant nécessaire la constitution d'un second monastère» à
Luxeuil, dans les Vosges, qui devint centre monastique et missionnaire de
tradition irlandaise en Europe. Ce monastère sera pendant deux
siècles le plus grand centre de la vie monastique en Occident. Colomban et ses moines y pratiquent une vie
contemplative équilibrée par un fort travail manuel. Ils se consacrent à
l'éducation, aux œuvres charitables, à l'évangélisation.
En 610, il dut fuir la Gaule où la cruelle reine Brunehilde
le poursuivait parce qu'il lui reprochait ses vices et ses crimes. En 610 il fut expulsé de Luxeuil avec ses moines irlandais, condamnés
définitivement à l'exil. Rapatriés par mer, leur bateau échoua près du rivage
et le groupe décida d'entreprendre une nouvelle aventure d'évangélisation Il traverse Mayence,
puis, remonte le Rhin
jusqu'à Bâle
puis Waldshut. En suivant l'Aar et le lac de Zurich, ils arrivent à Tuggen. La petite communauté tente d'évangéliser les rives du lac de
Zurich mais, confrontée à la violence des habitants, elle doit bientôt
s'éloigner. Elle tente une seconde implantation près du lac
de Constance, à l'endroit où le Rhin
Supérieur se jette dans les eaux du lac. Ils fixent leur monastère autour
d'une petite chapelle, mais que les païens avaient réinvesti en y installant
leurs idoles, près de la ville actuelle de Bregenz.
A nouveau menacé par
Brunehilde, le groupe décide de passer les Alpes. Le
groupe des moines irlandais a vieilli. La maladie atteint Gall
qui s'arrête en route et fonde le monastère qui porte son nom. À Coire, le moine
Sigisbert se sépare du groupe et serait parti fonder un monastère à Disentis. A
Säckingen, Fridolin, un autre irlandais, fonde une église et un monastère. Il
deviendra le saint patron du canton de Glaris dont le blason le représente en
pèlrin. Un autre, Ursan, devient ermite et fonde un monastère dans le Clos du
Doubs, qui deviendra de village de Saint-Ursanne. Voici sa stratégie selon
l’historien Arthur Daucourt: «Ursan arriva sur les bords du Doubs, à l'endroit où est
aujourd'hui la ville qui porte son nom. Il aperçut une grotte taillée des mains
de la nature dans le flanc d'un rocher, et, tout autour de sombres forêts, une
vaste et profonde solitude. C'est là qu'il fixa sa demeure. Bientôt sa retraite
fut découverte et des disciples vinrent en foule se ranger sous sa houlette …. Ces nouveaux anachorètes construisirent des cellules et
défrichèrent la terre tout en priant en commun, selon la maxime des moines, ora
et labora, prière et travail. De toute parts on amenait des malades
auxquels le saint, par ses prières, rendait la santé et les pauvres trouvaient
au monastère d'abondantes aumônes.»
De son côté, Colomban atteint le col
du Septimer et redescend vers le lac de
Côme et la plaine du Pô. Colomban
est favorablement accueilli par la cour lombarde, qui lui octroie une terre à
Bobbio, où il fonde un nouveau monastère, dans lequel il acheva sa vie en 615.
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