mercredi 24 août 2011

Responsabiliser son enfant - 26

Eviter les étiquettes
Quand on réprimande un enfant ou qu’on lui montre la conséquence de ses actes, il faut éviter les mots blessants et les jugements négatifs qui donnent une étiquette à l’enfant. Une telle attitude du parent annule l’effet bénéfique d’une prise de conscience des conséquences des gestes posés. L’enfant retient davantage les propos négatifs et l’émotion qui les accompagne. Nous savons que l’éducation reçue par la majorité des parents d’aujourd’hui se caractérise, notamment, par la recherche des lacunes et des fautes. Elle a été largement conditionnée par des messages négatifs qui empêchaient souvent les parents de voir le bon côté des choses et de souligner les gestes positifs de leurs enfants. Cette éducation a donné maux parents des réflexes qui se sont ancrés et qui se manifeste par des étiquettes ou des remarques comme « il ne marche toujours pas à un an, il est passif », ou « elle ne connait pas son alphabet après des mois de pratique, elle est sûrement dyslexique » ou « il s’oppose à tout, il est têtu » ou « elle ne range jamais sa chambre, elle est paresseuse ». Les « toujours » et les « jamais » rendent les enfants impuissants, enfermés dans des catégories, ce qui nuit à leur évolution. De tels messages négatifs, quand ils sont fréquents, contraignent les enfants à se définir par ce qu’ils ne sont pas et par ce qui leur manque au lieu de se connaître pour ce qu’ils sont.
En quoi consiste une étiquette ? C’est une forme de classification qui limite un enfant dans une catégorie déterminée. Par exemple,  nous retrouvons souvent l’étiquette « hyperactivité » pour désigner un enfant qui bouge plus que la moyenne. Cet enfant est-il réellement hyperactif ? Permettez-nous d’en douter… Si on se fiait à ces étiquettes, souvent gratuites, la moitié de la population serait susceptible d’être diagnostiquée comme étant hyperactive. Un tel diagnostic doit être posé par un médecin et non par monsieur et madame Tout-le-monde.
Malheureusement, les étiquettes ne se limitent pas au problème de l’hyperactivité, car plusieurs autres sont répandues dans le monde de l’éducation.
Certaines de ces étiquettes ne manquent pas d’originalité par leurs appellations. Pensons d’abord à « l’enfant-téflon », qui résiste à tout. Serait-il possible que cet enfant ne soit tout simplement pas motivé par ce qu’on lui propose de faire ou que la relation avec ses parents soit conflictuelle ? Autre étiquette, celle de « l’enfant-roi » qui, en réalité, est un enfant mal éduqué, à qui on a donné trop de pouvoir. Cet enfant ne se ferait-il pas donner cette étiquette parce que ces parents ne lui imposent aucune limite ?
A quoi servent ces étiquettes ? Certains parents qui se sentent impuissants désirent avoir des réponses à leurs questions et voient l’étiquette comme une réponse commode. Les enseignants et les éducateurs ont aussi trop tendance à utiliser ces étiquettes pour catégoriser des enfants en difficulté. Souvent, ces enseignants et éducateurs pressent les parents à entreprendre des démarches pour diagnostiquer l’enfant. Peu importe si ce dernier reçoit ou non un diagnostic, il est surtout un enfant ayant des besoins que les parents doivent combler.
Les étiquettes qu’on appose trop facilement sur les enfants proviennent souvent de l’effet Pygmalion, dont la plupart des parents et des enseignants ne sont pas conscients. Il s’agit d’une légende à propos d’un sculpteur grec qui devint amoureux d’une de ses propres statues représentant une femme d’une grande beauté. Pour soulager Pygmalion, la déesse Aphrodite donna vie à sa statue. Dans cette légende, il est question d’attentes et de désir de la part du sculpteur.
Les chercheurs Rosenthal et Jacobson mirent au jour ce que nous appelons « l’effet Pygmalion », selon lequel les attentes d’un éducateur envers ses élèves peuvent être telles que celui-ci finit par exercer une influence considérable sur ceux dont il a la charge. En ce sens, la nature et l’intensité de l’investissement varient chez l’éducateur selon ses préjugés, favorables ou défavorables. C’est un phénomène où la prévision de l’adulte modifie le comportement de celui-ci, de sorte qu’elle augmente la probabilité que l’événement se produise. C’est en fait une espèce de prophétie qui se concrétise simplement parce qu’elle a été faite.
Les éducateurs, les enseignants et les parents mettent des étiquettes aux enfants et tendent inconsciemment à ce que ces étiquettes se concrétisent dans leurs comportements. Lorsque les attentes envers nous sont positives, nous avons tendance à être plus sympathiques et nous adoptons des comportements plus amicaux, tandis que nous manifestons des comportements opposés lorsque les attentes envers nous sont négatives.
Il s’agit toutefois de tendances et non de règles absolues. Beaucoup d’enfants souffrent d’étiquettes souvent générées par l’effet Pygmalion. Prenons l’exemple de cet enfant de 6 ans qui n’assume pas les responsabilités qu’on lui confie à la maison. Si ces parents communiquent cette information à l’enseignante, celle-ci pourrait être contaminée à son tour par l’effet Pygmalion et avoir de faibles attentes envers le jeune garçon. En réalité, l’effet Pygmalion peut s’apparenter à une forme persistante de préjugé et d’étiquetage. Chaque enfant a droit d’être lui-même.
Il est beaucoup plus constructif et profitable de parler des besoins de développement de leurs enfants plutôt que de les décourager avec des jugements négatifs ou des étiquettes. Celles-ci créent une forme de déterminisme et sapent l’espoir des parents. Ces derniers sont plus réconfortés en satisfaisant les besoins de développement de leurs enfants qu’en subissant des étiquettes. Par exemple, au lieu de poser l’étiquette « enfant violent », il est plus avantageux pour les parents qu’on leur dise que leur enfant « a besoin d’appendre à résoudre des conflits ».
Il nous semble important de préciser que chaque difficulté de comportement chez un enfant peut être reliée à plusieurs besoins non comblés. L’empathie du parent doit se manifester pour décoder le besoin qui sous-tend la difficulté de l’enfant. Selon notre expérience, quand le parent discerne un besoin de limites chez son enfant qu’on a étiqueté « indiscipliné » et qu’il satisfait ce besoin par ses attitudes et ses moyens, l’indiscipline de l’enfant fond comme neige au soleil. Le parent a de l’espoir quand on lui parle de besoins, plutôt que de lui émettre un jugement négatif ou de donner une étiquette à son enfant. Satisfaire les besoins de développement chez un enfant est une responsabilité parentale.
05 Octobre 2010

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