Le festin de Babette
Ce film du danois Gabriel Axel, avec Stéphane Audran, Oscar du meilleur film étranger en 1988, en est une excellente illustration. Babette, cuisinière renommée dans un grand restaurant parisien, «Le Café Anglais», fuit la répression de la Commune de Paris en 1871. Elle trouve refuge au Danemark, dans un petit village luthérien, au service de deux vieilles filles.
Dans ce petit village puritain, ces deux sœurs dévotes mènent une vie très austère. Elles ne mangent qu’une nourriture fort simple, qu’elles partagent généreusement, certes, mais qui ne leur procure aucun plaisir. Or Babette est un génie culinaire. Lorsqu’elle remporte une somme rondelette à la loterie, elle consacre tout son gain à préparer un somptueux festin qu’elle offre à la communauté. Chacun des convives en sortira transformé.
C'est l’invité de marque du festin, le général Löwenhielm, qui reconnaît les «cailles en sarcophage» du «Café Anglais» et qui rappelle qu’un grand repas peut être une histoire d'amour, en levant son verre à celle des deux vieilles filles qu’il a toujours aimée mais qu’il n’a pas pu épouser. Ce n’est pas un film tendre mais un film bouleversant, grâce à la nouvelle de Karen Blixen dont Gabriel Axel a réalisé la mise en scène admirable de précision et de sobriété jusque dans les détails et dans ce stupéfiant contraste entre la vie triste et misérable de ce sinistre village luthérien et ce dîner fantastique, véritable exubérance de mets succulents et de vins prodigieux, comme le Clos Vougeot 1845, si parfaitement inattendue dans ce paysage nordique austère, glacial et battu par les vents. Le prodige du film - indiqué par le petit discours du général qui conclut le dîner - est que c’est le festin qui accomplit la communion de tous les convives et des amants séparés que le pasteur n’avait jamais réalisée - il les avait séparés pour sa propre satisfaction.
Illustration ô combien parlante que la communion avec Dieu et les uns avec les autres peut se vivre dans des contextes bien différents de ceux que nous avons l’habitude en tant qu’église. La générosité de Babette qui offre tout ce qu’elle a nous rappelle celle de Marie versant le parfum de grand prix sur les pieds de Jésus. Gaspillage? Ce n’était en tout cas pas la vision du Seigneur. Ni celle des invités dans le film (en tous cas pas après le repas!)
Les loisirs pour nous conduire à Dieu
Dieu est parfait. Il est l’expression absolue de la perfection. Il est l’Artiste, le Peintre, le Musicien. Il est le Créateur. Lorsqu’une personne, même non-chrétienne, exprime son art avec excellence et approche cette perfection, cela nous conduit vers Dieu.
John Coltrane, le saxophoniste qui jouait pour Dizzie Gillespie et Miles Davis, a exprimé quelque chose dans ce sens. Au début des années 1950, «Trane» a failli mourir d’une overdose à San Francisco, et lorsqu’il est revenu à lui, il a décidé de cesser de se droguer et de boire. Il a mis sa foi en Dieu. Son meilleur jazz a suivi cet événement, y compris «A Love Supreme», un déversement ardent de trente-deux minutes pour remercier Dieu pour sa bénédiction et lui offrir son âme.
Après une interprétation vraiment extraordinaire de «A Love Supreme», Coltrane est descendu de la scène, a posé son saxophone et a simplement dit: Nunc dimittis (ce sont les premiers mots en latin de l’ancienne prière de Siméon: «Seigneur, tu peux reprendre ton serviteur, car mes yeux ont vu ton salut»). Coltrane a senti qu’il ne pourrait jamais jouer ce morceau plus parfaitement. Si toute sa vie avait été vécue en préparation de cette prière musicale passionnée de trente-deux minutes, elle en aurait valu la peine. Il était prêt à partir.60
Ainsi la présence de Dieu nous accompagne en tout. Les loisirs ne consistent pas à prendre congé du Seigneur pour enfin se défouler en faisant quelque chose qui nous fait vraiment plaisir, qui nous renouvelle vraiment… Comme Eric Liddle qui sentait le plaisir de Dieu en courant, comme John Coltrane qui exprimait son âme par la musique, intégrons Dieu dans tout ce que nous faisons et touchons à une partie de notre destinée!
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