Appel et vocation
Le terme vocation vient du mot latin pour «appel»… Dans l’église du Moyen-Âge, avoir une vocation ou avoir «un appel» faisait uniquement référence à un emploi à plein temps dans l’église. Si une personne se sentait appelée, c’était un signe qu’il ou elle avait «une vocation», pouvant l’amener à devenir prêtre, moine ou nonne. Les occupations ordinaires de la vie – comme être paysan, servante dans une cuisine, forgeron, couturière, soldat ou même roi – étaient reconnues comme nécessaires, mais mondaines. De telles personnes pouvaient être sauvées, mais elles étaient embourbées dans le monde. Pour pouvoir pleinement servir Dieu, vivre une vie réellement spirituelle, il fallait s’engager à plein temps.[1]
La Réforme amena la notion de «sacerdoce universel des croyants», nullement pour dénigrer la fonction pastorale, comme on pourrait faussement le croire, ni pour enseigner que les pasteurs ou les ecclésiastiques professionnels n’étaient pas nécessaires, ni que n’importe qui peut se fabriquer sa propre théologie maison. Cette doctrine enseignait plutôt que la fonction pastorale est une vocation, un appel de Dieu avec ses propres responsabilités, autorité et bénédictions. Mais elle enseignait également que les laïcs avaient également des vocations, des appels propres impliquant de saintes responsabilités, autorité et bénédictions. Tous les croyants n’étaient pas pasteurs ou employés à plein temps par l’église. Ils n’ont pas besoin de l’être pour être parfaits devant Dieu, statut offert par le seul sang de Jésus; mais tous les croyants sont prêtres. Tous les croyants, comme les prêtres de l’Ancien Testament, peuvent se présenter dans la présence de Dieu par le sang de l’Agneau. Tous les croyants peuvent gérer des choses saintes (telles que la Bible, auparavant interdite aux laïcs). Tous peuvent proclamer l’Evangile à ceux qui ont besoin de son message salvateur. «Le sacerdoce universel des croyants» signifie que chaque croyant jouit du même accès à Christ et est spirituellement égal devant lui. «Le sacerdoce universel des croyants» n’a pas transformé chacun en membre du clergé; il a plutôt transformé tous les genres de travail en appel sacré… Tout genre de travail, y compris ceux qu’on avait tendance à mépriser – comme celui de paysan ou d’artisan – est une occasion d’exercer la prêtrise, d’exercer un service saint envers Dieu et envers son prochain.[1]
D’après les réformateurs, chaque chrétien a plusieurs vocations. Nous avons un appel dans notre travail. Nous avons un appel dans notre famille. Nous avons un appel en tant que citoyen dans la société plus large. Et nous avons un appel dans l’église.[2] Certains décrivent la notion d’appel comme un gâteau de mariage à trois couches: La couche de fond est constituée du mandat créationnel donné à tous les humains (un appel à la communion, au développement de la communauté et à la co-créativité – Genèse 1:26-28, Psaume 8). La seconde couche est le grand commandement missionnaire – pour tous les chrétiens (un appel à la conversion, à la communauté chrétienne, au témoignage verbal et au caractère semblable à Christ – Ephésiens 4:1). La troisième couche est l’appel personnel, ou particulier, l’appel de l’Esprit sur les individus (dans la famille, le monde du travail et de la politique – 1 Corinthiens 7:17, 20, Romains 13).
Notre appel, ou vocation, est donc un tissage complexe. Nous devons nous souvenir de la distinction entre quelque chose de central pour notre appel et quelque chose de périphérique. L’égoïsme préfère le premier, mais la bonne gestion considère les deux. De nombreuses personnes n’utilisent le mot appel que pour le cœur de leurs dons et de leurs aptitudes. Elles parlent comme si nous devions tous être capables de spécifier nos appels comme une tâche unique exprimée dans une phrase unique. Mais tant les gens que la vie sont plus riches et complexes que cela, et l’appel est global, pas partiel. Nous devons nous souvenir que l’appel a de multiples dimensions et inclut nos relations. Martin Luther, par exemple, était entre autres un mari pour sa femme, un père pour sa fille, un pasteur pour son église, un professeur pour ses étudiants et un sujet pour son prince.
Cette distinction est importante, car il est facile de tomber dans l’égocentrisme si nous ne nous concentrons que sur le cœur de notre appel – comme si l’univers n’existait que pour que nous puissions exprimer pleinement nos talents. Nous vivons dans un monde déchu, et le cœur de nos dons peut ne pas forcément être accompli dans notre vie sur cette terre. S’il n’y avait pas eu de chute, tout notre travail aurait naturellement et pleinement exprimé qui nous sommes et exercé les dons que nous avons reçu. Mais après la chute, ce n’est pas le cas. Le travail est maintenant partiellement créatif et partiellement maudit.
Ainsi, le fait de trouver un travail qui corresponde parfaitement à notre appel n’est pas un droit, mais une bénédiction. Ceux qui, dans nos sociétés occidentales, font partie de la classe moyenne ou plus peuvent probablement trouver une telle correspondance satisfaisante entre appel et travail. Mais pour beaucoup d’autres aujourd’hui, et probablement pour la plupart des gens dans la plupart des sociétés, il n’y a pas de correspondance parfaite entre travail et appel. Le travail est une nécessité pour la survie.[3]
Luther ira jusqu’à dire que la vocation est un masque de Dieu. C’est-à-dire que Dieu se cache lui-même dans la place de travail, dans la famille, dans l’église et dans la société apparemment séculière. Parler de Dieu comme étant caché est une façon de décrire sa présence, comme lorsqu’un enfant caché dans une chambre est là, même si on ne le voit pas. Le fait de réaliser que les activités mondaines qui remplissent la plus grande partie de notre vie – aller au travail, emmener les garçons à leur entraînement de football, faire quelques courses à l’épicerie du coin, aller à l’église – sont des cachettes pour Dieu peut constituer une révélation. La plupart des gens cherchent Dieu dans des expériences mystiques, des miracles spectaculaires et des actes extraordinaires. Le fait de le trouver dans sa vocation le ramène, littéralement, terre-à-terre, nous aide à voir combien il est proche et transfigure notre vie quotidienne.[4]
[1] Gene Edward Veith, Jr., God at work, 2002, Crossway Books, pp.18-19
[2] Gene Edward Veith, Jr., God at work, 2002, Crossway Books, p.22
[3] Os Guinness, The call, 1998, Word Publishing, p. 51
[4] Gene Edward Veith, Jr., God at work, 2002, Crossway Books, p.24
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