samedi 22 septembre 2018

Comment créer un héritage familial missionnel et multigénérationnel (3)


Histoire et arrière-plan
Le problème est vieux comme l’humanité. Depuis Adam, nous voyons une rupture constante de l’héritage familial missionnel. Même si les instructions divines nous demandant de transmettre notre foi à la génération suivante sont claires, je n’ai été capable de trouver que deux exemples dans l’Ancien Testament (AT) et un dans le Nouveau Testament (NT). Dans l’AT, nous avons l’héritage de foi bien connu d’Abraham, Isaac, Jacob et Joseph.
C'est par la foi qu'Abraham offrit Isaac, lorsqu'il fut mis à l'épreuve, et qu'il offrit son fils unique, lui qui avait reçu les promesses, à qui il avait été dit: En Isaac sera nommée pour toi une postérité. Il pensait que Dieu est puissant, même pour ressusciter les morts; aussi le recouvra-t-il par une sorte de résurrection.
C'est par la foi qu'Isaac bénit Jacob et Ésaü, en vue des choses à venir. C'est par la foi que Jacob mourant bénit chacun des fils de Joseph, et qu'il adora, appuyé sur l'extrémité de son bâton. C'est par la foi que Joseph mourant fit mention de la sortie des fils d'Israël, et qu'il donna des ordres au sujet de ses os.[1]
De plus, nous avons l’exemple de l’héritage familial sacerdotal d’Aaron, de son fils Eléazar et de son petit-fils Phinées. « Phinées, fils d'Éléazar, fils du sacrificateur Aaron, a détourné ma fureur de dessus les enfants d'Israël, parce qu'il a été animé de mon zèle au milieu d'eux; et je n'ai point, dans ma colère, consumé les enfants d'Israël. »[2] « Ils s'attachèrent à Baal Peor, et mangèrent des victimes sacrifiées aux morts. Ils irritèrent l'Éternel par leurs actions, et une plaie fit irruption parmi eux. Phinées se leva pour intervenir, et la plaie s'arrêta; cela lui fut imputé à justice, de génération en génération pour toujours. »[3] Dans le NT, il y a Timothée, sa mère Eunice et sa grand-mère Loïs.[4] On pourrait penser qu’il y en a d’autres, mais je n’ai pas pu en trouver.
Même l’histoire de l’Église moderne reste avare d’exemples. Certains d’entre nous connaissent un enfant de missionnaire (EM) ou de pasteur (EP) qui suit les traces de ses parents, mais bien trop souvent nous rencontrons des EM ou EP qui ne démontrent qu’une foi chrétienne médiocre, ou même dans certains cas qui ont quitté la foi de leurs parents. Est-ce parce que notre société est plus prompte à parler des mauvaises nouvelles que des bonnes, ou les statistiques reflètent-elles réellement cette perception ?
En 2012, le groupe de recherche George Barna a conduit une enquête auprès d’un échantillon de 603 pasteurs principaux d’églises protestantes dans tous les États-Unis. Des questions liées à leur rôle de parent ont été posées aux 456 pasteurs ayant des enfants de 15 ans ou plus. La marge d’erreur maximum d’échantillonnage associée à une taille d’enquête de 456 est de ± 4.5 points de pourcentage à un niveau de 95 pour cent de confiance. Dans cette enquête, le chercheur Ken Kinnaman déclare :
Quand on en arrive aux enfants du clergé, les stéréotypes abondent. Premièrement, il y a l’enfant-modèle, qui vit selon les règles et marche dans les pas de son ministre de parent. Dans de nombreuses églises, c’est une attente autant qu’un stéréotype. Cependant, le stéréotype dominant de l’enfant de pasteur est peut-être le fils prodigue – l’enfant qui claque la porte, le rebelle qui a quitté la foi, le rétrograde, qui préfère vivre sa vie de son côté plutôt que rester à l’ombre du clocher.[5]
Que montrent les résultats de l’enquête ? Les pasteurs ayant des enfants de 15 ans ou plus sont d’accord avec les affirmations suivantes concernant leurs enfants :
-       40% ont passé par une période où ils ont sérieusement remis leur foi en question.
-       33% ne sont actifs dans l’église
-       7% ne se considèrent plus comme chrétiens.[6]
La bonne nouvelle est que, en procédant par élimination, 60% se considèrent comme chrétiens et sont actifs dans leur église, mais qu’en est-il des autres 40% ? Pourquoi se sont-ils éloignés, pourquoi ne suivent-ils pas Dieu activement, et que pouvons-nous faire pour ne pas que cela se produise dans nos familles ?
Qu’en est-il des enfants de missionnaires ? Je n’ai pas réussi à trouver de statistiques officielles en général, mais Robin Marie Ketzman, dans sa dissertation en anglais, L’EM perdu. Une étude qualitative explorant le choix de certains adultes enfants de missionnaires de quitter la foi de leurs parents déclare : « On estime qu’en 1995 il y avait 300'000 adultes enfants de missionnaires vivant aux États-Unis. »[7] Cependant, même je ne peux pas indépendamment vérifier le chiffre de Keitzman, il indique une large population d’individus uniques et cela vaudrait la peine de le prendre en considération et de l’évaluer.
Dans sa dissertation, Kietzman examine l’expérience de seize adultes enfants de missionnaires (AEM) qui ont affirmé avoir quitté la foi de leurs parents et qui être prêts à parler de leur expérience d’EM. Les seize participants avaient en moyenne 47 ans, venaient de 13 missions évangéliques et ont vécu sur trois continents différents. Dans son étude, trois tendances émergent.
« La première était un désengagement bénin ou une négligence passive des enfants de la part des parents. La seconde était l’effet de facteurs de stress importants sur l’EM, tel que des déménagements fréquents, le stress lié à l’école, des traumatismes globaux liés au pays hôte, et des traumatismes plus personnels comme des décès dans la famille ou des abus. La troisième décrit des incongruités ou des questions soulevées par leurs expériences. »[8] Ces incongruités comprennent trois domaines :
a.     L’inconsistance entre l’expérience du participant de l’engagement de ses parents envers son ministère aux dépens du bien-être des enfants. Cela a suscité des questions sur l’amour de Dieu et son intérêt réel pour les enfants, qi se sont sentis abandonnés.
b.     L’inconsistance suscitée par le sentiment d’être jugé par la mission ou l’église plus large. Ils ont ressenti la pression de devoir se conformer aux attentes des autres, tout en n’étant souvent pas écouté ou pris en compte. Ils expriment cela comme étant le résultat de ne pas pouvoir questionner leurs croyances, et même d’être punis s’ils le faisaient. Cela a finalement évolué en ressentiment et en colère envers Dieu.
c.      Les participants ont lutté avec la disparité entre les pays d’origine et les pays hôtes, principalement au niveau des standards économiques. Cela a créé une certaine tension intérieure pour les EM pour réconcilier leur vision du monde chrétienne familiale avec ce qu’ils vivaient dans leur quotidien.[9]
Faisant référence aux enfants de troisième culture (ETC) et au EM en particulier, Pollock et Van Reken (1999) ont identifié deux réalités principales de la vie missionnaire qui affectent les EM : l’éducation transculturelle et la grande mobilité de la famille.[10]
En réponse au niveau élevé de stress souvent occasionné dans la famille missionnaire et à la connexion directe avec l’engagement des parents dans la mission en obéissance à la volonté de Dieu, l’EM peut attribuer son stress émotionnel et sa lutte intérieure à Dieu. Dans son étude, Van Reken déclare : « .... quand un enfant de militaire peut blâmer l’officier en charge commandant pour toute expérience négative, quand un enfant d’homme d’affaire peut blâmer le PDG de la compagnie.... qui reste-t-il à blâmer en fin de compte pour un enfant de missionnaire à part Dieu ? Pour les EM, Dieu et le système ne font qu'un. »[11]

Observation personnelle
Dans le passé, et même dans certains secteurs aujourd’hui, on pensait que seul l’homme était appelé au ministère. La femme et les enfants n’étaient impliqués dans le ministère qu’en raison de l’appel de l’homme. Cela a entraîné une participation de la femme que dans le modèle de l’épouse soumise qui suit et sert son mari dans le ministère. Dans cette vision des choses, le rôle de la femme était premièrement cantonné aux devoirs du foyer et à l’éducation des enfants.
Il est bien sûr vrai que les rôles de mère et de maîtresse de maison constituent un appel élevé et ont une grande valeur. Ce rôle ne devrait pas être perçu comme inférieur en quoi que ce soit. Le problème consiste plus dans l’exclusion de participation de la mère et des enfants à l’appel, au ministère et au service. Tandis que l’homme est à l’extérieur accomplissant l’appel sur sa vie, dans de nombreux cas le reste de la famille a été relégué à n’expérimenter que frustration et souffrance en subissant son appel.
Je crois que pour certaines familles, cette départementalisation a entraîné des blessures émotionnelles et sociales chez l’enfant, qui ont conduit à une orientation négative envers Dieu, son église et sa mission. Comme vous pouvez le voir, nous avons un problème. Comment pouvons-nous prévenir la perte des EM et EP et comment pouvons-nous au mieux favoriser la transmission d’héritages missionnels multigénérationnels ?


[1] Hébreux 11:17-22
[2] Nombres 25:11
[3] Psaume 106:28-31
[4] 2 Timothée 1:5
[5] David Kinnaman, « Prodigal Pastor Kids : Fact or Fiction ? », Barna Family Update, consulté le 8 juin 2015, https://www.barna.org/barna-update/family-kids/644-prodigal-pastor-kids-fact-or-fiction#.VXX1s-uKzwz.
[6] Ibid.
[7]  Robin M. Kietzman et al., “The Lost MK: A Qualitative Study Exploring the Choice of Some Adult
Missionary Kids to Leave Their Parents’ Faith,” Missiology 36, no. 4, (1 October 2008), pp. 457–73.
[8] Ibid.
[9] Ibid.
[10] Van Reken, R, "Healing the Wounded Among Adult MKs". The Evangelical Missions Quarterly , (1995),
31(4), pp. 428-435.
[11] Ibid., p. 432.

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