mercredi 14 novembre 2018

William Booth et sa vision pour les enfants et les familles (4)


Principes de leadership

Par le cheminement et les écrits des Booth, nous pouvons apprendre beaucoup de principes de leadership. J’ai choisi de n’en recenser que quelques-uns liés aux sujets suivants: la famille du leader et la façon dont elle peut fonctionner pour refléter qui Dieu est, et la transmission de la foi aux enfants, à la maison et au-delà.

1. La complémentarité entre mari et femme pour servir en couple. Corinne Gossauer-Perroz souligne la complémentarité entre William et Catherine. William était un leader visionnaire, désireux de planifier une stratégie et de voir des fruits visibles. Catherine conduisait de l’intérieur de la famille, apportant une profondeur et une subtilité à la réflexion spirituelle. En tant que mère de huit enfants, ses encouragements pour vivre un évangile vivant étaient toujours liés à la vie quotidienne.[1] Lorsque Catherine a commencé à prêcher depuis la chaire en 1860, cette complémentarité et ce partenariat ont commencé à sortir du cadre de la maison et de l’organisation familiale. Elle a pénétré la sphère du ministère. Quand William a passé par des périodes difficiles, elle a pris sa place dans la prédication et ses visites jusqu’à son rétablissement. Et par la suite, lui et Catherine ont formé ensemble une équipe déterminée.[2] La Bible nous dit: «Comment un seul en poursuivrait-il mille, et deux en mettraient-ils dix mille en fuite, si leur Rocher ne les avait vendus, si l'Éternel ne les avait livrés?[3]» Nous voyons l’effet exponentiel d personnes qui travaillent ensemble dans l’unité, et William et Catherine ont parfaitement illustré ce principe dans la façon dont ils ont collaboré.

Ceci reflète qui Dieu est, car il agit toujours en tant que Trinité, trois personnes différentes qui coopèrent ensemble comme nous le voyons dans Genèse 1. Ce travail en équipe dans le couple peut être difficile à mettre en pratique pour de nombreux leaders, mais il constitue une réelle clé pour l’unité, la redevabilité et la «productivité»; bien sûr, tous les couples ne vont pas coopérer de la même manière, mais le mariage constitue aussi une volonté d’être appelé ensemble et de laisser Dieu nous façonner pour «devenir un».[4]

2. La vie de foi commence à la maison. Hélène Naville écrit:

William et Catherine attachaient toujours une grande importance à la vie de famille, et ils étaient d’abord soucieux d’amener tous leurs enfants à la foi en Christ et de les former à son service. L’histoire de l’Armée du Salut est en fait l’histoire élargie de la famille Booth. C’est la démonstration quasiment unique d’une grande organisation religieuse qui a commencé dans une famille avant d’envahir la sphère publique. Eduqués depuis leur plus tendre enfance dans l’obéissance, les enfants Booth constituaient un noyau autour de leurs parents, un noyau qui est devenu le fondement de l’Armée du Salut.[5]

 Roger J. Green ajoute:

Tant William que Catherine était impliqués dans la vie familiale, et ils étaient assis côte-à-côte autour de la table familiale plutôt que William seul en bout de table. , indiquant à tous dans la maison un partenariat dans la famille complémentant leur partenariat dans la mission. Les enfants ont senti sans aucun doute la rigueur de l’autorité de leurs parents, mais ils savaient aussi qu’ils étaient aimés. Contrairement aux apparences, William jouait souvent avec ses enfants à la maison et lors de sorties familiales.[6]

Le développement de la foi de leurs enfants ne constituait pas le seul aspect de la vie de famille pour William et Catherine. Ils sortaient en famille, jouaient, avaient de nombreux animaux domestiques (même un singe à un certain point[7]). Et dans cette atmosphère de joie, d’apprentissage, de partage et de jeu, de foi, les discussions sur Dieu et le ministère envers les autres faisaient naturellement partie de la vie quotidienne normale. Jésus était le centre de leur vie et il n’y avait pas de dichotomie entre le «spirituel» et le «séculier». Nous y reviendrons plus tard.

Ils ont tiré ces concepts de la Bible. La religion familiale était largement acceptée en Angleterre, mais dans la plupart des cas elle était devenue froide et formelle. Josué a dit: «Moi et ma maison, nous servirons l’Eternel.»[8] Quelques années avant cela, Moïse avait enseigné les Israélites à mettre les commandements de Dieu dans leur cœur, et à les répéter à leurs enfants. A en parler quand ils se lèvent et quand ils se couchent, quand ils marchent le long du chemin et quand ils s’asseyent dans leur maison.»[9] – donc dans le contexte de la vie quotidienne, non seulement dans des moments spécifiquement «religieux». La foi était censée commencer à la maison, pas être réservée à des lieux et des moments sacrés.

3. Les parents ont la responsabilité première de la formation spirituelle de leurs enfants. William Booth a écrit son livre The training of children comme un manuel avec des questions et des réponses. Au chapitre 5, sous la question: «Pourquoi les parents sont-ils tenus responsables de cette formation, plus que n’importe quelle autre personne?», il répond:

Parce que les enfants leur sont confiés pour cette raison-même – c’est le devoir particulier des parents. Ils sont des gérants devant Dieu, et responsables devant lui pour la décharge de ce mandat. Chaque père et chaque mère devrait veiller sur ses enfants en étant conscients de la confiance sacrée que le Seigneur leur témoigne, autant que s’ils avaient été déposés directement dans leurs bras par un ange descendu du ciel, avec le même commandement que la fille de Pharaon a donné avec l’enfant Moïse, quand elle l’a placé sous la responsabilité de sa mère: «Prends cet enfant et allaite-le pour moi; et je te donnerai ton salaire» (Exode 2:9).[10]

Bien sûr, la communauté plus large a aussi un rôle à jouer, mais nous nous sommes éloignés de cela, beaucoup d’écoles du dimanche ou de ministère auprès des enfants étant devenus des lieux où les parents déposent leurs enfants et abdiquent leur responsabilité spirituelle.  

Dans l’église primitive, la famille et l’éducation des enfants étaient des terrains d’entraînement pour les futurs responsables de l’église: «Il faut qu'il dirige bien sa propre maison, et qu'il tienne ses enfants dans la soumission et dans une parfaite honnêteté; car si quelqu'un ne sait pas diriger sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l'Église de Dieu?»[11] Les Booth avaient compris ce principe – ils ne pouvaient pas abdiquer leur responsabilité parentale pour le ministère; leur autorité et leur crédibilité venait du fait qu’ils commençaient à la maison avec leurs propres enfants.  

4. Former les enfants pour Christ dès le sein maternel. Même avant leur mariage, Catherine Mumford a écrit à William Booth: «Je crois au fait de former les enfants à être chrétiens depuis qu’ils sont bébés.»[12] Plus tard, elle répétait à d’autres mamans avec passion:

«Je ne veux pas qu’un de mes enfants tourne mal!» En fait, elle avait l’habitude de prier à haute voix, en leur présence, que Dieu les rappelle très jeunes par la mort plutôt que de permettre que l’un d’eux ne s’éloigne du sentier de la justice. Sa prière a été exaucée, et elle a eu la joie de tous les voir pleinement consacrés au service de Dieu. C’était une des plus grandes forces de leur apostolat que de pouvoir s’appuyer sur l’exemple donné par leur propre famille.[13]

Dans Practical Religion, Catherine explique la façon dont elle et William formaient leurs enfants:

Si vous voulez que vos enfants aiment la Bible et la lisent, vous devez leur raconter des histoires, leur expliquer ses enseignements d’une manière qui les intéresse. Si vous voulez qu’ils aiment la prière, vous devez prier avec eux de telle manière que leur cœur soit touché et attiré dans la prière avec le vôtre; vous devez leur enseigner  s’adresser à Dieu sur un ton naturel, comme s’ils s’adressaient à vous, pour lui raconter leurs désirs, leurs joies, leurs difficultés […] Les parents développent trop souvent l’intelligence de leurs enfants sans éduquer leur cœur. Ils enseignent de choses qu’ils ne pratiquent pas eux-mêmes et qu’ils ne se soucient pas de voir leurs enfants pratiquer.  L’esprit qui nous anime et l’exemple que nous donnons à nos enfants ont beaucoup plus d’impact sur eux que nos enseignements.[14]

         Dans An Address to Parents, Catherine écrit:

Si, dans le cas de ceux qui n’ont pas eu auparavant de lumière ou de formation, la conversion est nécessairement soudaine et suivie d’un grand changement, n’est-il pas juste de dire que, dans le cas d’un enfant soigneusement formé dans «la correction et l’instruction du Seigneur,» le Saint-Esprit coopère avec une telle formation, adaptant son action à la capacité et aux exigences des petits qui sont déjà «dans le royaume des Cieux,» établissant progressivement en eux tous les privilèges, les devoirs et les joies de ce royaume? Sinon, quel avantage y aurait-il de les «corriger et de les instruire» dans le Seigneur, s’il n’avait pas pour dessein de bénir cette formation pour leur conversion et leur salut? Les termes-mêmes de cette injonction démontrent le sens dans lequel le Saint-Esprit les utilise. «Correction» signifie «réprimande, avertissement, encouragement.» «Instruction» signifie  nutrition, fortification, développement.» Voici donc l’ordre divin, premièrement de les instruire et de nourrir, de fortifier tout ce qui est bon en eux; et deuxièmement, la réprimande et l’avertissement contre le mal ; et troisièmement l’instruction dans la justice. Si des parents choisissaient seulement la voie du Seigneur, ils verraient leurs fils et leurs filles prendre leur place dans le temple du Seigneur, le considérant comme leur demeure naturelle. Avec sagesse et fidèlement formés pour Dieu, ils diraient, lorsque sollicités de s’en éloigner: «A qui irions-nous?»[15]

5. La famille comme sanctuaire. Malgré la vie active des parents Booth, l’ordre, la propreté, la simplicité et la ponctualité faisaient partie de la maison, car pour eux

Chaque foyer devrait être la demeure de Dieu home […] Il devrait être un temple où il est aimé et adoré, et dans lequel il peut se révéler, répandre son Esprit et vivre en communion avec ses enfants. Tout ce qui pourrait le maintenir éloigné, ou l’attrister quand il est là, doit être mis de côté, ou interdit d’entrer […] Rien ne devrait venir dans ce Foyer, qui est la maison de Dieu sur terre, qui pourrait être inapproprié dans la Maison que votre Maître a préparé pour vous dans les cieux, et que vous vous préparez à occuper quand vous allez y arriver.[16]

Joan Metcalf, ajoute dans son ouvrage: «S’il y a bien un foyer humain qui ait pu être considéré comme la maison de Dieu, c’est bien celui-là […] Consacrée, non par le chant de quelques airs joyeux ou de prières mécaniques, mais par la formation donnée à une famille de guerriers, par l’élaboration de nouveaux plans.»[17]

Trop de pasteurs aujourd’hui perçoivent ce qu’ils font comme un boulot qu’ils laissent au bureau et n’emmènent pas à la maison. Pour les Booth, le ministère commençait à la maison; il n’existait pas de dichotomie entre la maison et le ministère. Il y avait Dieu dans la maison, Dieu dans le ministère, et l’aimer et le servir ne s’arrêtait pas quand ils passaient de l’un à l’autre.

6. La famille, une équipe. Si William et Catherine constituaient une équipe étonnante, leur famille était aussi un modèle du genre. Tous les enfants, peut-être à l’exception de Marie, qui était handicapée, étaient très impliqués depuis leur enfance et sont devenus des officiers importants et des multiplicateurs dans le mouvement. Plusieurs d’entre eux sont même devenus généraux, dirigeant le mouvement de l’Armée du Salut au niveau mondial, Evangeline étant la première femme à endosser une telle responsabilité.[18] Comment se fait-il que cette famille ait si bien tourné? Que ces enfants aient suivi ls traces de leurs parents? Etait-ce une grâce particulière, ou ont-ils appliqué des principes familiaux qui peuvent être reproduits dans les familles d’autres responsables? Clifford W. Kew souligne quelques pensées très intéressantes à ce sujet:

Il arrive parfois que des enfants soient privés de la sécurité et de l’amour dont ils ont besoin en raison du programme d’activités chrétiennes chargé de leurs parents. Cela a certainement pu être observé dans certains foyers de l’Armée du Salut, où les enfants ont parfois senti qu’ils passaient après le service salutiste de leurs parents. Comment se fait-il que les enfants Booth n’aient pas expérimenté cette difficulté, mais qu’ils se soient sentis en sécurité dans l’attention et l’amour de leurs parents? Peut-être que la première raison est que dès leur plus jeune âge ils ont été rendus conscients du but du service de leurs parents et qu’ils n’en ont pas été exclus. Sans aucun doute, il y avait des questions privées à discuter entre parents, mais pour la plupart, il semblait que, lorsque l’œuvre du Royaume était discutée, les enfants y participaient et qu’ainsi ils ne se sentaient pas exclus. Ils étaient ensemble, en famille, dans tous les sens du terme, et les enfants n’ont jamais senti que leurs parents étaient si préoccupés par les affaires chrétiennes que les enfants n’étaient que des viennent-ensuite. Ils étaient certainement encouragés à se sentir responsables du bien-être des autres, et d’aider autant que possible […] Peut-être n’est-ce pas tant un service chrétien intensif ou quelque autre activité des parents qui divise une famille, rendant l’éducation efficace difficile, mais l’exclusion des enfants de l’activité des parents. Là où il y a une intégrité dans le foyer, les enfants sentent qu’ils en constituent une partie vitale, prévenant par là des sentiments de négligence ou de rejet, des émotions qui causent fréquemment un comportement rebelle, qui est l’expression visible d’un besoin désespéré d’attention et d’amour démontré.[19]

Pour les Booth, leurs enfants faisaient partie de l’équipe. Ils étaient inclus dans le ministère, dans les discussions. Ils étaient discipulés et formés en étant impliqués dans le ministère, pas en étant protégés. Bien sûr, il y a des dangers et nous devons être à l’écoute du cœur de nos enfants pour comprendre où ils se trouvent. Souffrent-ils de notre ministère, ou partagent-ils notre passion? Développer le travail en équipe au sein de notre propre famille et poursuivre la vision de Dieu ensemble est une des plus grandes joies de la vie.

7. La famille est un terrain d’entraînement pour la mission. Nous voyons que pour William et Catherine, le foyer n’était pas un simple refuge contre l’agitation extérieure. C’était un sanctuaire, c’est une école de formation de disciples, c’était un endroit pour se préparer à la mission. Il est dit de Catherine qu’elle «n’a pas laissé son foyer devenir le monde; elle a fait du monde, pour autant que sa force le permettait, un foyer.»[20] Roger J. Green ajoute:

Mais la vie de famille était aussi une préparation pour la mission. La religion évangélique était une religion du foyer, et l’exhortation à servir au-delà de sa propre famille dans le ministère et la mission était forte tant chez William que chez Catherine. Les enfants partageaient la même passion pour la mission, et tous les huit finirent par devenir officiers de l’Armée du Salut, à la seule exception de Marie, en raison de ses limitations, incapable de participer à la mission chrétienne et au leadership de l’Armée du Salut.[21]
 
De nombreuses personnes craindraient qu’une telle vie dégoûte les enfants de toute implication religieuse. Il est intéressant de lire ce passage dans The Officer’s Review, le rapport annuel pour les officiers salutistes:

Ces dernières années, l’Armée du Salut a été accusée de faire des mères des prédicatrices et ainsi de perturber les foyers et d’ôter aux enfants l’influence de leur mère, mais Evangeline Booth, en sécurité dans les souvenirs du bonheur de sa propre enfance, commente: Les familles qui ont rejoint l’Armée n’ont pas cessé d’être des familles. La paternité, la maternité et l’enfance n’ont pas été détruites par le service aux autres. Elles ont été enrichies, complétées.[22]

8. Pas seulement enseigner, mais former. William et Catherine plaçaient un grand accent sur l’approche du discipulat: «Faites-le avec eux si vous voulez qu’ils apprennent quelque chose.»[23] Dans The Training of Children, William pose la question: «Pouvez-vous montrer en quoi la formation religieuse a-t-elle été déficiente dans les échecs mentionnés?» Sa réponse est:

Le manque le plus sérieux dans la formation religieuse des enfants, et qui constitue également la cause de fréquents échecs, est le fait que l’on ne s’appuie que sur l’enseignement. Beaucoup d’enfants sont instruits dans des notions religieuses et leur mémoire déborde de faits et d’histoires bibliques, alors que leur cœur est laissé inchangé, non cultivé et non inspiré par le Saint-Esprit. En d’autres termes, les enfants sont amenés à se croire chrétiens, et nous les présentons aux autres comme «aimant Jésus, alors qu’ils ne sont pas réellement convertis, qu’ils sont charnels et mondains; n’ayant rien de plus qu’une familiarité extérieure et intellectuelle avec les faits et les enseignements de la Bible.[24]

Et plus loin, répondant à la question: «Y a-t-il une différence, alors, entre l’enseignement et la formation?», il répond:

Oui, et une très importante, en fait – une différence qui devrait être soigneusement méditée par tous les parents. En enseignant les enfants, nous influençons principalement leurs pensées; en les formant, nous traitons d’abord leur volonté – c’est-à-dire leur cœur. Quand nous les enseignons, nous leur montrons ce qu’ils devraient faire; quand nous les formons, nous les habituons à le faire. En enseignant les enfants, nous leur montrons comment faire leur devoir et pourquoi il doit être fait, mais en les formant, nous créons en eux l’habitude de le faire.[25]

         Catherine ajoute dans An Address to Parents:

'Ah,' disent certaines mères, 'c’est facile à dire, mais vous ne connaissez pas l’antipathie naturelle de mes enfants par rapport à la religion. Je suis certaine d’avoir tenté de les enseigner de la bonne manière et de leur avoir appris à aimer ce qui est bon mais, jusque-là, je ne vois que très peu de résultats de mon travail.' Peut-être, mon amie, l’échec a été dans le fait que vous avez enseigné et pas formé. Vous leur avez dit quelle voie prendre, mais ne les avez pas conduits dans cette voie. Si vous voulez réussir, vous devez faire les deux, et ceci continuellement.[26]

Comme nous pouvons le lire, les Booth faisaient une différence entre l’enseignement et la formation. C’est en fait très sain, car ils ne se contentaient pas de transmettre une connaissance intellectuelle, mais formaient réellement leurs enfants – en fait, tous ceux qui les suivaient, qu’ils soient enfants ou adultes – dans un christianisme pratique. C’est si proche de notre vision de la formation à JEM et des valeurs qui sont chères à nos cœurs.

9. Pas de compartimentation de la vie. Ce point a déjà été brièvement touché, mais j’aimerais m’y arrêter davantage. Dans son livre, Hélène Naville partage le témoignage de mademoiselle Jane Short, qui a vécu dans la maison des Booth:  

Pour dire la vérité, j’avais très peur d’aller vivre avec ces personnes, car j’avais souvent été déçue par des membres d’églises dans le passé. Il me semblait impossible que les Booth soient les mêmes à la maison que dans leurs réunions. Je pensais que je verrais et entendrais des choses déplaisantes qui me feraient souffrir, car je n’osais pas croire qu’ils puissent vivre à la hauteur de leurs idéaux. Vous comprenez, je les aimais tant que j’avais peur d’être déçue.[27]

La vie était réellement unifiée pour William et Catherine. Ils pratiquaient leur discours. Ils n’enseignaient d’ailleurs que ce qu’ils mettaient en pratique, et cela constituait une surprise et un puissant témoignage pour beaucoup, en particulier les pauvres, qui avaient l’habitude de membres d’églises froids et distants. Dieu est le Dieu de l’ensemble de la vie. Quand il est devenu chrétien, William a décidé que Dieu devait avoir tous les aspects de sa vie. En vérité, il a mis cette résolution en pratique, non seulement en donnant tout son cœur, mais tout le reste par-dessus, même les domaines les plus privés, plaçant tout sous l’amour, le service et la seigneurie de Christ.   

10. Préparer la prochaine génération et les prendre à nos côtés. William avait vraiment un profond respect pour la foi des enfants et des adolescents, et il croyait que Dieu pouvait les utiliser dès leur plus jeune âge. Nous voyons de nombreux exemples de cela dans la Bible, de Samuel à la petite servante de Naaman, de Jérémie à Marie, d’Esther à David, et tant d’autres dans les histoires de Jésus dont nous ne connaissons même pas les noms. Dans The Training of Children, à la question: the question: «Mais qu’est-ce que des tous petits peuvent bien faire?», William répond:

«Ils peuvent faire autant pour le petit monde dans lequel ils vivent que les adultes pour le grand monde dans lequel ls vivent. Ils peuvent vivre une vie sainte, témoigner de la puissance de Dieu pour sauver, chanter les chants du salut avec tant de sensibilité que souvent même les adultes les plus endurcis et les plus orgueilleux seront poussés à écouter et à pleurer. Ils peuvent prier, peut-être pas avec autant de talent oratoire ou de capacité à transmettre d grande quantités d’informations au Tout-Puissant; mais ils peuvent néanmoins intercéder pour les âmes et prier des prières ferventes et efficaces, que nous pouvons trouver tant chez un petit enfant que chez un adulte, quand ses prières sont inspirées par le Saint-Esprit. Je connais une femme qui a livré de dures batailles pour Dieu. Je l’ai entendue raconter comment elle avait l’habitude de ressentir le fardeau des âmes fréquemment, avant même d’avoir douze ans, avec tant de puissance qu’elle aurait pu s’agenouiller dans la rue et prier pour elles. Et sans aucun doute, elle l’aurait fait s’il y avait eu une Armée du Salut qui lui en avait donné l’opportunité.

Les enfants peuvent également avertir d’autres enfants – oui, et des adultes aussi; pas de manière terrorisante et bruyante, peut-être, mais ils peuvent être tout autant entendus dans ce qu’ils disent. Et ils peuvent exhorter les autres à faire de même. De la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle, le grand Maître a été, et sera encore, suffisamment sage pour tirer ses louanges.[28]

Nous voyons dans l’Ancien Testament et particulièrement dans le livre du Deutéronome que la stratégie de Dieu pour occuper le pays promis dans la durée consistait à former les enfants, à bâtir des autels pour susciter des questions dans la jeune génération et à répéter les commandements aux enfants. William Booth prenait cela très au sérieux, pas seulement en les enseignant, mais réellement en les formant, en leur parlant sérieusement et en les enrôlant aux côtés des autres générations. Quand un mouvement prend non seulement soin des enfants, mais considère leur rôle stratégique sur le long-terme en les discipulant et en leur faisant de la place pour servir, cela démontre une profonde compréhension du leadership de Dieu et des principes du Royaume, car Jésus lui-même a dit: «Laissez venir à moi les petits enfants et ne les empêchez pas. Car le royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent.»[29] Et au chapitre précédent: «  En vérité, je vous le dis, si vous ne vous convertissez et ne devenez comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux.»[30] Oui, il y a un lien intime entre les enfants et le Royaume!

Ceci dit, tout dans le leadership de William Booth n’était pas irréprochable. Par exemple, nous pourrions parler de la façon dont il favorisait ses enfants. Roger J. Green décrit:

Sans aucun doute, les enfants, les beaux-fils et les belles-filles se trouvaient dans une position privilégiée dans l’Armée et jouissaient de bénéfices bien au-delà de ce que recevaient d’autres officiers. Ils avaient des titres spéciaux (Ballington le Maréchal, Catherine La Maréchale, Emma la Consule, Eva la Commandante, Herbert le Commandant)… Lorsque des officiers «normaux» tombaient malades, ils devaient souvent continuer de travailler. Lorsque l’un des Booth était malade, des arrangements étaient souvent trouvés pour qu’ils aient quelques mois de récupération. William et Catherine Booth avaient établi une dynastie familiale visible, et ceci fut remarqué par les autres officiers dans l’Armée et provoqua un certain ressentiment.[31]

William «croyait réellement qu’être un Booth, c’était être l’un des oints du Seigneur. Le Cri de guerre les exaltait chaque semaine.»[32] Roger J. Green ajoute:

La famille était constamment exposée à l’attention publique. Il n’est donc pas étonnant que leur sentiment d’auto-importance ait été exagéré.[33] 
 
[…] Le problème d’avoir accordé une position si privilégiée aux enfants et aux conjoints Booth était spécialement exacerbé par le fait que tout le monde dans l’Armée ne voyait pas tous les enfants Booth et leurs conjoints comme possédant les aptitudes et talents hors du commun nécessaires pour le travail et les responsabilités qui leur étaient confiées. Certains d’entre eux ont atteint un rang et un privilège seulement par la vertu d’être un enfant de William et de Catherine ou d’avoir épousé un des enfants Booth.[34]

[…] Les enfants Booth avaient été protégés de la société plus large et des influences mauvaises, qu’elles soient réelles ou imaginaires, par leur mère toujours aux aguets. Et ils avaient été tellement convaincus de posséder des dons et des aptitudes exceptionnelles qu’ils s’attendaient à ce que les officiers et les soldats de l’Armée les reconnaissent immédiatement et constamment. Après tout, la plupart des Booth sont entrés dans la vie publique en tant qu’adolescents, et ils ont été nommés dans des positions de leadership et d’autorité au sein de l’Armée en ayant à peine plus de vingt ans. Et après le décès de Catherine et la perte de son influence médiatrice entre les membres de la famille, William a maintenant eu des difficultés à gérer sa famille.[35]

Ainsi nous ne voulons pas dépeindre une image idéaliste de William Booth et de sa famille. Ils avaient leurs défis, ils étaient humains tout comme nous, et nous pouvons aussi apprendre de leurs erreurs. Mais nous n’avons pas besoin de jeter le bébé avec l’eau du bain, et nous pouvons pleinement nous inspirer des principes qu’ils ont découvert et mis en œuvre avec succès.  



[1]. Gossauer-Perroz, p. 35.
[2]. Benge, p. 65.
[3]. Deutéronome 32:30.
[4]. Genèse 2:24.
[5]. Hélène Naville, Catherine Booth et la fondation de l’Armée du Salut (Editions Forum, 1925), p. 78.
[6]. Roger J. Green, The Life & Ministry of William Booth, Founder of the Salvation Army (Nashville, TN: Abingdon Press, 2005), p. 101.
[7]. Benge, p. 113.
[8]. Josué 24:15.
[9]. Deutéronome 6:7.
[10]. William Booth, The training of Children.
[11]. 1 Timothée 3:4-5.
[12]. Kew, p. 86.  
[13]. Naville, p. 47.
[14]. Catherine Booth, Practical Religion (Diggory Press), pp. 6, 15, 23, cités dans Gossauer, pp. 77-78.
[15]. Catherine Booth, Papers on Practical Religion, http://www.gospeltruth.net/booth/cath_booth/ practical_religion/cbooth_prac_rel_pap1.htm (consulté le 15 septembre 2014).
[16]. William Booth, Letters to Salvationists on Religion for Every Day, Vol. 2 (London: The Salvation Army Book Department, 1902), pp. 155-156.
[17]. Joan Metcalf, Une servante de Dieu – Catherine Booth 1829-1890 (Armée du Salut, collection Challenge, 1983), p. 19.
[18]. Gossauer-Perroz, pp. 78-79.
[19]. Kew, pp. 95-96.
[20]. The Officers’ Review/1940/329, cité dans Kew, p. 95.
[21]. Green, p. 102.
[22]. The Officers’ Review/1940/330, cité dans Kew, p. 95.
[23]. Gossauer-Perroz, p. 78.
[24]. William Booth, The training of Children.
[25]. Ibid.
[26]. Catherine Booth, Papers on Practical Religion.
[27]. Naville, p. 85.
[28]. William Booth, The training of Children.
[29]. Matthew 19:14.
[30]. Matthew 18:3.
[31]. Green, p. 161.
[32]. Roy Hattersley, Blood and Fire: William and Catherine Booth and Their Salvation Army (New York, NJ: Doubleday, 2000), p. 406.
[33]. Green, p. 184.
[34]. Ibid., p. 161.
[35]. Green, p. 161.

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